Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Jean-Marie Allain

Les corbeaux sont de retour

21 Septembre 2014 , Rédigé par Jean-Marie Allain

Notre société de chasse a constaté cette année, douceur du climat oblige, un accroissement considérable de corvidés et a mené, en lien avec la Fédération de chasse, une campagne de destruction : plus de 300 corbeaux.

Comme le maire  signe l’arrêté municipal pour autoriser la campagne de tirs, je ne suis pas sans m’interroger à chaque fois sur ce dilemme : a- t-on le droit de détruire un animal lorsqu’on considère qu’il n’existe pas d’espèce nuisible et que, de surcroît, le corbeau freux n’est plus aujourd’hui classé parmi les nuisibles ?

Je suis en effet de ceux qui rejettent cette notion d’ « espèce nuisible » et approuve par conséquent le statut protégé de cet oiseau, nettement plus intelligent que ce que La Fontaine a pu laisser croire et  par ailleurs utile dans sa fonction que je qualifie, d’éboueur du ciel.

Pourquoi dans ces conditions signer les arrêtés de destruction ?

Tout simplement  parce qu’une espèce qui n’est pas nuisible en soi peut le devenir sous l’effet du nombre.

Les écologistes eux-mêmes, dont les plus radicaux pourraient s’effaroucher d’une telle mesure, adoptent pourtant avec raison  le même type de raisonnement en ce qui concerne l’espèce humaine.

Ils considèrent que l’homme devient un prédateur de la planète sous l’effet du nombre et, pour cette raison, ont toujours prôné le malthusianisme, seule garantie de ne pas aggraver la famine, la guerre, la surconsommation d’énergie et surtout l’empreinte écologique.

Ce que je veux souligner au travers de cette réflexion, c’est que bon nombre d’écologistes manquent de cohérence lorsqu’ils intègrent mentalement la nécessité de réguler la démographie de l’espèce humaine (posture que je défends) mais réfutent toute régulation de l’espèce animale.

Certes, la régulation de l’espèce humaine est moins brutale puisqu’elle passe essentiellement par la contraception (encore que pas forcément écologique en ce qui concerne la pilule contraceptive) et non par la destruction.

Mais l’homme n’a pas beaucoup de moyens pour réguler  en amont la prolifération de certaines espèces.

Et le corbeau, contrairement à d’autres espèces ne dispose pas de règles propres qui en limitent la reproduction (ils ne se crèvent pas les yeux entre eux dit le proverbe).

Il faut donc se résoudre à valider ces campagnes de destruction de corvidés si on veut réguler leur population.

Comme quoi,  une banale histoire de corbeaux peut renvoyer à un véritable questionnement philosophique, celui-ci me rappelant un exposé que Pierre Bourdieu avait fait à Arras en 1974 :

« Un des objets les plus importants de la sociologie de la connaissance serait la hiérarchie des objets de recherche : un des biais par lesquels s’exercent les censures sociales est précisément cette hiérarchie des objets considérés comme dignes ou indignes d’être étudiés. C’est un des très vieux thèmes de la tradition philosophique, et pourtant la vieille leçon de Parménide selon laquelle il y a des Idées de toute chose, y compris de la crasse et du poil - (j’aurais envie de rajouter « et des plumes ! ») - a été très peu entendue par les philosophes qui sont en général les premières victimes de cette définition sociale de la hiérarchie des objets ».  (« Choses dites » / Ed de Minuit)

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :