Un projet de Zone économique sur l’aérodrome de la SALMAGNE
La loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) impose aux élus d’imaginer un autre modèle de développement spatial que celui de l’étalement.
Pour faire court, il est demandé aux élus , à la fois dans ce cadre de l’artificialisation contrôlée et de la demande récurrente de grands terrains aménagés, notamment pour répondre aux besoins nés de l’électrification du parc automobile, d’engager les études visant à engager la procédure de fermeture de la Salmagne en vue d’y aménager une zone d’activités d'une centaine d' hectares et pouvant générer « 2 à 3000 emplois ».
Soulignons d’abord notre étonnement devant une démarche qui consiste à demander un vote aux conseillers communautaires sur un sujet aussi important sans avoir informé préalablement les élus , ni échanger avec eux dans le cadre des instances communautaires, ni même sans joindre un plan et une note argumentaire en annexe du projet de délibération.
Et admettons la légitime interrogation devant une démarche oubliant la question des friches industrielles qui représentent pourtant un véritable atout pour la réindustrialisation puisqu’en tant qu’anciennes zones d’activités, elles sont généralement déjà connectées aux réseaux d’eau, d’électricité ainsi qu’aux réseaux routiers et ferroviaires.
La friche de Sambre-et-Meuse en est un exemple puisqu’elle est connectée, via le ferroviaire, à la logistique fluviale par la plate-forme multimodale de Ghlin Baudour, si toutefois on travaille dans une logique d’usine du futur.
Cette réflexion sur le potentiel économique des friches avait pourtant été abordée a Maubeuge même le 4 avril 2023 par l’association « Vallée d’Avenir » de Mme Nathalie Renard dans une journée prémonitoire puisque le rapport de mobilisation pour le foncier industriel remis au gouvernement fin juillet 2023 par le préfet Mouchel-Blaisot confirme une stratégie nationale de mobilisation pour le recyclage du foncier industriel , stratégie déjà inscrite dans le Schéma Régional d'Aménagement, de Développement Durable et d'Egalité des Territoires (SRADDET) qui insiste sur l’importance du report modal sur le fluvial et ferroviaire dans le cadre de la transition énergétique.
Le premier argument pour évacuer le sujet des friches, c’est leur superficie eu égard à la problématique des « gigafactories », sous jacente à cette délibération.C’est passer sous silence l’absence totale de diagnostic sur le potentiel foncier que représentent les friches sur notre territoire.
Le second argument affirme que le coût de la dépollution est trop élevé. Pourtant, la dépollution n’est pas toujours financièrement insurmontable comme en atteste l’excellente reconversion de la friche DESVRES à Louvroil par le Centre de Tri Recyclage des Vallées, un exemple national de par la qualité de la reconversion entièrement financée par l’entreprise.
Et s’il est vrai que la dépollution coûte cher, outre qu’en cas de maîtrise d’ouvrage publique, il existe tant au niveau de l’Etat que de l’Union Européenne les fonds prévus pour le recyclage foncier et la dépollution, cela coûte de toute façon moins cher que de continuer à consommer des terres agricoles au péril de la santé humaine et des écosystèmes.
Affirmer à ce stade que la réalisation d’une telle zone semble une nécessité est une gageure dans la mesure où elle côtoierait l’aire de captage franco-belge du forage d’eau potable de Vieux-Reng - Lameries dont on sait qu’il alimente le pôle Est de l’Agglomération mais la qualité de l’eau est fragile au point que les belges ont préféré fermé le leur.
La circonspection se confirme à la lecture du projet de délibération qui donne l'impression que la Salmagne est déjà classée en zone industrielle au PLUi et que le choix du changement d’usage serait presque une simple formalité.
Pourtant, si l’on excepte les hangars côté avions et côté parachutistes classées en zone économique, l'aérodrome est principalement classé en zone Agricole au PLUi.
On parle donc bien d’artificialisation de terres agricoles pour une superficie qui équivaudrait, pour ce seul site, à consommer ce que prévoyait la CAMVS sur toute la durée du SCOT (2017-2029 - de mémoire), document qui devrait donc être revisité car il s'agit d'un projet d'Arrondissement, tout comme les PLU concernés après enquête publique.
Comparativement, sur les 10 gigafactories identifiées en France, les 4 sorties de terre ou en projet en Région ne sont pas dans ce cas de figure puisqu’elles ciblent du foncier déjà classé en zone à vocation économique.
Même si on accepte de ne pas se focaliser sur l’électromobilité, la délibération étant suffisamment évasive pour l’admettre, les risques d’échec des méga-zones bien desservies existent près de chez nous.
GEOTHERMIA, parc d’activités de 50 hectares livré en 2017, alimenté par la géothermie situé à la sortie de Mons, connecté à l’autoroute où passent 86.000 véhicules par jour, à 30 min de Bruxelles n’a attiré qu’une seule entreprise en 6 ans pour moins de 9 hectares, à deux pas de l'aérogare de Gosselies, non loin de la friche de 90 ha de Caterpillar.
On ne peut qu’être étonné devant les chiffes d’emplois annoncés sans aucune donnée factuelle à l’appui et lorsqu'on sait que la robotique et l'intelligence artificielle vont drastiquement diminuer la présence humaine au pied des machines.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de délibération demeure très évasif sur le type d’activités attendues et laisse davantage exprimer un sentiment de frustration et une réplique précipitée à la prise de conscience tardive qu’il importe pour un territoire du proposer une offre diversifiée de foncier industriel.
A ce stade, il n’est certes guère pertinent de refuser le principe de la création d’une grande zone d’activités mais d’en contester la méthode de gestation et l’étroitesse de vue sur laquelle elle débouche et de solliciter à ce titre un report du vote.
Il n’est en effet pas cohérent de se prononcer sur le principe d’une fermeture éventuelle de l’aérodrome sans disposer d’une part d’un schéma intercommunal du potentiel foncier à vocation économique, sujets que ni le SCOT, ni le Projet de Territoire, ni le PLUI, n’ont réellement anticipés, contrairement à ce qui s’est passé il y a 50 ans avec la zone de Grévaux - les - Guides, inscrite au Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme et qui accueillera MCA.
La décision rationnelle ne peut se prendre dans la précipitation et ne peut s’appuyer ni sur la séduction, ni sur la persuasion mais uniquement sur la démonstration avec comme base de travail, l’élaboration d’une grille des sites potentiels identifiant leurs atouts et inconvénients pour les départager selon l’accessibilité routière, ferroviaire, les atouts logistiques, le soutien des acteurs locaux, les enjeux environnementaux, et le niveau d’investissement nécessaire.
L’aérodrome de la Salmagne représente avec le Parc zoologique, un patrimoine vivant et l’un des équipements qui participent, de par sa singularité, à l’image positive de l’agglomération et de son attractivité.
Raison suffisante pour prendre le temps de réfléchir avant de délibérer.
La CAMVS étant propriétaire du foncier, elle gagne déjà deux à trois ans sur les territoires concurrente.