20 Novembre 2023
, Rédigé par Jean-Marie Allain
Selon le Cevipof, une majorité de maires ferait de la revalorisation des indemnités un enjeu prioritaire pour favoriser leur engagement dans la perspective des élections municipales de 2026.
Je me frotte les yeux et j’essaie de mesurer l’écart entre ce qui je lis et ce que je vis. Beaucoup d’élus se sont engagés comme moi dans l’action municipale, après une longue vie associative où cette notion matérielle était absente et le reste encore aujourd’hui, en dehors de certains clubs sportifs qui ne font pas honneur au sport amateur.
J’avais été durant plusieurs années animateur bénévole dans ma commune qui avait bénéficié d’un « 1000 club » mais qui n’était pas utilisé.
J’ai ensuite créé une structure associative « Loisirs et Culture » qui existe toujours
Puis, parallèlement à ma vie professionnelle, j’ai mis en place en 1990 , dans la foulée de la loi Besson, l’association « Habitat Pour Tous »» qui a développé le bail à réhabilitation » avec des propriétaires privés et ouvert un foyer d’accueil d’urgence .Cette association, où j’étais bénévole, comptait plus de 20 salariés, une véritable entreprise qui dégageait un bon chiffre d’affaires et des bénéfices réinjectés dans la structure : bref, l’embryon de ce que l’on appelle aujourd’hui l’économie sociale et solidaire.
Durant ces décennies d’engagement je n’ai jamais perçu un centime et je ne suis jamais posé la question. Comme je n’avais aucune idée du montant des indemnités lorsque je me suis embarqué dans l’aventure des municipales.
L’enjeu était alors pour moi de mettre fin à une dérive népotiste d’une équipe qui avait franchi la limite de l’acceptable.
J’avoue par conséquent ne pas comprendre cette notion de « juste indemnisation » eu égard au temps consacré par le maire.
Personnellement, je fonctionne sans secrétaire de mairie depuis plusieurs années, je travaille plus de 10 heures par jour, 7 jours sur 7, je suis joignable 24 h 24 au téléphone par les habitants , je prends deux semaines de vacances par an (tout en restant joignable par les habitants)… c’est une astreinte à laquelle je consens volontiers parce c’est un choix, que font d’ailleurs aussi nombre de responsables associatifs sans jamais percevoir « une juste indemnisation ».
Ce que je regrette, ce n’est pas le montant de l’indemnité, c’est le manque de reconnaissance de l’Etat qui voisine parfois avec le mépris, un mépris que j’ai profondément ressenti au début de ce quatrième mandat.
Nous venions de transformer un passage souterrain sordide en lumineuse bouche de métro. Pour préparer l’inauguration, l’Etat nous a imposés une série de remarques pittoresques pour modifier le carton d’invitation, la commune avait mis le nom de la sous-préfète sur la plaque inaugurale, et finalement, cette dame n’est pas venue, « retenue par des obligations de dernière minute » certes mais et sans prendre la peine de me donner un coup de fil ou de venir à une date ultérieure.
Le principal enjeu à mes yeux, ce n’est pas le montant des indemnités, c’est le rétablissement de l’équité entre les maires issus du public et ceux du privé.
Les premiers bénéficient de facilités (congés, mise en disponibilité, absences autorisées explicitement ou implicitement…) que les autres n’ont pas. Voilà le premier scandale démocratique. L’Etat doit garantir le maintien des revenus des maires lorsqu'ils cessent leur activité, dans la limite d’un plafond bien entendu et, pour ceux qui travaillaient dans le privé, le droit à sa réintégration en fin de mandat.
La revalorisation des indemnités ne réglera pas cette injustice entre le public et le privé. La passion et le désintéressement doivent demeurer les raisons exclusives de notre engagement.