14 Octobre 2017
, Rédigé par Jean-Marie Allain
Ceux qui poussent des cris d’orfraie depuis l’annonce de la baisse du nombre de contrats aidés ont la mémoire courte.
A gauche, ils disaient : le contrat aidé, c’est la précarité institutionnalisée », une forme « d’armée de réserve » équivalente à l’armée de réserve industrielle dont parle Marx à plusieurs reprises dans le Capital, prolétariat laborieux toujours exploitable.
A droite, ils disaient : « c’est facile de créer l’emploi et de masquer le chômage avec l’argent public en creusant le trou de la dette abyssale de la France ».
En laissant les collectivités et les associations puiser sans limite dans ce dispositif, l’Etat a créé une véritable addiction aux contrats aidés et détruit leur raisonnement économique, souvent même en créant la fameuse concurrence déloyale et faussée au nom de laquelle nous rejetons la forme actuelle de l’Union Européenne.
Même l’économie sociale et solidaire n’a pas échappé à ce travers, oubliant que faire du social ou tisser de la solidarité ne doit pas être un prétexte pour contourner les contraintes des règles du marché.
J’ai créé et animé durant vingt ans une entreprise d’économie sociale et solidaire (Habitat Pour Tous) qui a employé jusqu’à 22 personnes sans recourir aux contrats aidés.
Certes, nous avions des dotations publiques mais correspondant au prix du service rendu.
Cette nuance est importante et j’insiste régulièrement au conseil communautaire pour que l’on sépare, parmi les dotations aux associations, celles qui correspondent à des subventions (associations sportives) et celles qui correspondent à une prestation de service (SPA par exemple).
Or, très souvent, le contrat aidé permet souvent de concurrencer des entreprises de manière déloyale (à travail égal, le salaire est inégal dans les travaux de bâtiment ou services de nettoyage par exemple et les charges incomparablement plus faibles) , en faisant de ces travailleurs la version hexagonale des travailleurs détachés.
Sans oublier que tout cela s’accompagne d’un mécanisme de sélection des plus machiavéliques : « vous n’êtes pas à la Cotorep ? car nous avons une prise en charge de l’Etat plus substantielle » avant d’introduire dans l’entreprise une catégorie d’agents qui, qu’on le veuille ou non, gardera toujours sa spécificité aux yeux des autres agents.
La revendication qui émane d’une partie des élus vise moins à défendre les contrats aidés qu’à se garder sous la main ce prolétariat laborieux pour remplir un certain nombre de tâches dont sont privées du même coup les agents titulaires des concours administratifs (je pense aux Atsem qui ont eu le concours et ne trouvent pas de poste) ou les entreprises (et donc les salariés) présentes sur ces marchés.
A Marpent aussi, après avoir titularisé tous les contrats aidés en 2001, nous sommes tombés dans cette habitude paresseuse du recours aux contrats aidés.
C’est la raison pour laquelle je considère que le choix du Président de la République (pour lequel je n’ai pas voté) de nous désintoxiquer en instaurant un sevrage (les contrats aidés ne sont pas supprimés mais réduits) a le mérite de nous obliger à repenser l’organisation globale de nos services tout en contribuant au désendettement de la France et en réinstallant les conditions d’une concurrence saine avec les entreprises de service.
Comme on l’explique aux malades, le sevrage n’est pas une punition, c’est une phase indispensable pour sortir de l’addiction.