Port du masque dans les mairies : rigorisme hygiéniste ou précaution sanitaire ?
Alors que le port du masque va devenir obligatoire dans les transports en commun, on peut s’interroger sur la non obligation dans les équipements recevant du public et tout particulièrement les mairies.
Plusieurs raisons semblent pourtant plaider en ce sens.
1/ Tout d’abord, rappelons que le port du masque est une recommandation de l’Académie de Médecine.
2/La sécurité des agents
Il est bon de rappeler dans l’arrêt que l’article L. 4121-1 du code du travail prévoit que les employeurs doivent prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. « L’employeur est tenu par la loi de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés. L’employeur ne doit pas seulement diminuer le risque, mais l’empêcher. Cette obligation est une obligation de résultat, c’est-à-dire qu’en cas d’accident ou de maladie liée aux conditions de travail, la responsabilité de l’employeur pourra être engagée »
Le personnel communal est exposé à plusieurs risques professionnels dont leur exposition au COVID à l’intérieur des bureaux (entre eux et avec les élus) mais aussi exposé au public qu’ils reçoivent. Les personnes venant à la Mairie sont donc des sources de risques pour le personnel. Face à ce risque, des protections collectives type plexiglas doivent être installées mais nous ignorons si elles éliminent totalement les risques. Or, l’employeur a le devoir d’empêcher le risque (et pas seulement le réduire). Faire porter la masque aux administrés permettrait de traiter le risque à sa source.
Demander aux agents de mettre un masque et ne pas le faire pour la personne qui se trouve en face de lui n’est pas cohérent (On l’a bien compris pour les transports en commun).
C’est même l’inverse qui devrait se dérouler. En effet, travailler toute la journée avec un masque n’est pas confortable et gène les conversations téléphoniques. Ce serait plus simple au guichet d’imposer le masque au public et de laisser le choix à l’agent !
Par ailleurs, indépendamment des agents, le public n’est pas exempt de postillonner sur le guichet et d’y laisser échapper quelques milligrammes de salive porteuse du virus qui ne manqueront pas de contaminer la personne suivante.
3/Des surfaces parfois exiguës des halls d’accueil (circonstance locale)
Un hall d’accueil d’une mairie ne représente parfois que quelques mètres carrés.
Si nous pouvons considérer que nous maitrisons partiellement le risque de contamination des administrés par le personnel communal (plexi glass + port du masque par les agents), nous devons par contre réduire à son maximum le risque de contamination entre administrés. Compte-tenu de l’exiguïté de certains halls d’entrée, les règles de distanciation sont bien plus difficiles à respecter dans un espace restreint comme la mairie que lorsqu’on discute sur la voie publique.
4/Une geste qui a une signification citoyenne
Porter le masque, c’est aussi une façon de bien signifier que l’on est en période de « déconfinement » mais que ce n’est pas terminé, car si le port du masque n’exempte pas les gens des gestes barrières, nous avons tous remarqué que l’absence du port du masque, dans la majorité des cas, ne s’accompagne d’aucun geste barrière.
Certes, obliger une personne à porter un masque est une atteinte à la liberté, mais au même titre que d’interdire de fumer ou porter le voile dans un équipement public, de cracher par terre ou encore d’obliger à attacher sa ceinture de sécurité.
Mais, après tout, porter un masque le temps d’un passage en mairie (quelques minutes) serait moins liberticide que d'être confiné chez soi durant plusieurs semaines. Si la liberté est à ce prix, tout le monde préférera porter un masque, aussi inconfortable soit - il.
Si les usagers ne veulent pas porter de masque (chacun a dû constater que les porteurs de masques, qui étaient environ un tiers il y a 15 jours dans les magasins, sont aujourd’hui nettement majoritaires),
Rien ne les empêche de rester chez eux et de téléphoner pour avoir le renseignement dont ils ont besoin. Dans les chantiers du bâtiment, personne n'est choqué quand des extérieurs accèdent à un chantier et se voient obligés de porter un casque.
Cette restriction peut être d’autant plus admise qu’elle est éphémère et que c’est la sécurité collective qui est en jeu.
Loin d’être traumatisés, les enfants ne tarderont pas à demander aux parents de mettre leur masque au même titre que les petits enfants grondent parfois leurs parents quand ils les voient fumer ou tarder à mettre la ceinture de sécurité !
En réalité, la non obligation du port du masque n’est - elle pas un alibi de la part de l’Etat pour occulter son incapacité à fournir des masques à ses concitoyens ?
Et les maires doivent subir cette situation dans la mesure où les prescriptions de la loi d’urgence sanitaire intégrées dans la code de la santé publique (art. L 3131-12 et L 3131-16) ont institué une « police spéciale » donnant aux autorités de l’Etat le pouvoir de prendre les mesures générales ou individuelles pour mettre fin à l’épidémie.
De ce fait, cette police spéciale a pour effet de priver le maire, pendant la période de l’urgence sanitaire de la possibilité de faire usage de ses pouvoirs de police municipale.
Les masques et le système débrouille...comment on redécouvre l'autogestion
Le 6 avril à 16 h 52, je propose à quelques élus de lancer un appel pour récupérer du tissu et mobiliser des couturières volontaires qui confectionneraient chez elles ces masques.
L’épouse d’un élu relaie mon appel sur les réseaux sociaux et trois agents de l’école maternelle se proposent d’ouvrir un atelier à l’école. Je trouve l’idée excellente tout en proposant la salle des Fêtes, plus vaste et donc pus adaptée pour respecter les gestes barrières.
Un appel est lancé sur les réseaux sociaux pour collecter du tissu et les premiers dons arrivent à la salle des fêtes où les couturières s’installent avec leur machine à coudre personnelle.
Autour d’elles se met en place, sans encadrement pré-défini, une auto-organisation de la chaîne de production :
Collecte, tri et hiérarchisation des tissus – conception des patrons – découpe à domicile – couture à l’atelier et à domicile –logistique des locaux - référent réparation (surchauffe des machines) – gestion de l’information auprès des habitants et des commandes - gestion de la distribution des masques.
COLLECTE, TRI ET HIERARCHISATION DES TISSUS
Les personnes viennent déposer dans le hall de la salle des Fêtes ou le maire va chercher à domicile
CONCEPTION DES PATRONS
Les masques fabriqués à Marpent s’inspirent pour les uns du modèle AFNOR et pour les autres du modèle du CHU de Grenoble (modèle « tortue »).
DECOUPE
Hormis trois agents et une élu qui découpent à l’atelier, ce sont les élus qui assurent le découpage à leur domicile
COUTURE A L’ATELIER ET A DOMICILE
Les deux modèles ont été fabriqués dans notre atelier et les couturières de l’atelier ont unanimement préféré le second modèle (dit « tortue »).
Le filtre est, dans les deux cas, constitué d’un tissu, alèse jetable type polypropil (90 % des masques) ou morceau de drap en molleton.
Pour les quinze couturières à domicile, elles peuvent soit emprunter un patron à l’atelier, soit concevoir des masques selon leur propre méthode. Et force est de constater que les innovations et astuces sont au rendez-vous, ne serait-ce que sur les techniques de fixation des élastiques ou pour les économiser ou même s’en passer…
LOGISTIQUE
Le 1er adjoint gère l’ouverture et la fermeture du local.
Son épouse, adjointe, prépare le café avant que les couturières n’arrivent.
Un conseiller délégué, gère le mobilier, la disposition (espacement) et l’alimentation électrique.
Un autre élu assure la maintenance et la réparation des machines, toutes soumises à rude épreuve.
COMMANDES ET DISTRIBUTION
L’information de l’offre gratuite a été mise sur notre page Facebook « Vivre à Marpent » et a fait l’objet d’un flyer distribué dans toutes les boîtes aux lettres de la commune.
A ce jour, et après élimination des doublons (certains commandent sur internet et via le coupon du flyer), des anomalies (commande d’un nombre de masques supérieur au nombre de personnes vivant au foyer) ou des demandes insolites (masque pour un bébé de quatre mois !), nous enregistrons 500 commandes pour un total de plus de 1450 masques !
La distribution se fera par nos soins à domicile début mai.
Cette organisation draine aujourd’hui plus de cinquante personnes (agents, élus, habitants), toutes immergées dans une effervescence aux accents autogestionnaires qui, autant que le virus du Covid, marquera durablement nos pratiques municipales.
Confinement et cimetière
La fermeture des cimetières suscite un émoi compréhensible,
A celles et ceux qui en douteraient, les services de la Préfecture du Nord répondent toutefois de manière claire : « Les cimetières demeurent ouverts uniquement pour procéder aux rites funéraires qui demeurent possibles, mais dans la stricte limite du cercle des intimes, donc en nombre très réduit et en observant scrupuleusement les gestes barrières. Seuls les membres proches de la famille (20 personnes au maximum) ainsi que les desservants de rites funéraires pourront donc faire l’objet d’une dérogation aux mesures de confinement fondée sur des motifs familiaux impérieux. En dehors de ce motif, ils sont fermés à la population générale jusqu’à nouvel ordre. »
Le maire a certes le droit de les laisser ouverts (à Marpent la porte n’est jamais fermée à clef), mais ceux qui s’y rendraient (en dehors d’un enterrement) seraient en infraction et risqueraient une amende de 135€.
En effet, le déplacement au cimetière, même si c’est douloureux à vivre pour certains, ne fait pas partie de la liste des autorisations de déplacements.
Quant aux rares arrêtés pris par certains maires pour proposer des plages horaires de visite, ils n’ont aucune valeur juridique et ne protègent aucunement le visiteur en cas de verbalisation, fussent-ils accompagnés des recommandations sanitaires habituelles et d’une attestation de déplacement dérogatoire qui, soit-dit en passant, prévoit bien la promenade dans les motifs de sortie mais pas le recueillement funéraire.
Je trouve personnellement cette restriction excessive et peux comprendre l’émotion des familles concernées.
Il eut été possible de conditionner le recueillement dans la limite d’un périmètre géographique et de liens de parenté pour éviter les abus du style « je vais à Saint-Malo me recueillir sur la tombe de Chateaubriand que j’admire et je repasse en Normandie sur la tombe de Bourvil que j’admire tout autant ».
Mais, à vrai dire, je n’ai pas le sentiment que les forces de police contrôlent beaucoup à l’entrée des cimetières et, s’ils le faisaient, je ne doute pas qu’ils sauraient faire preuve de discernement.
La France, l'Albanie et le coronavirus
Nous avons eu aujourd’hui des nouvelles de nos amis albanais.
Les médecins, les infirmiers et les agents de police mettent des masques.
Pour la population, ce n’est pas systématique.
Les deux hôpitaux devant accueillir les malades du Coronavirus ne sont pas saturés.
54 malades sont hospitalisés au total.
La chloroquine est autorisée sous réserve du respect du protocole.
Les tests ne sont pas généralisés.
Au total, 23 décès à ce jour, ce qui donne 0,76 décès pour 100 000 habitants.
La France déplore pour l’instant 18 décès pour 100 000 habitants.
En d’autres termes, l’Albanie affiche un taux de mortalité 20 fois inférieur au nôtre !
Plusieurs hypothèses me viennent à l’esprit:
- La structure de la population n’est pas la même (plus de jeunes en Albanie),
- Les albanais sont déjà de fait confinés par le relief montagneux du « pays des aigles »,
- Le pays ne compte pas d’établissement pour personnes âgées (sauf un d’une vingtaine de places à Poliçan que nous avons visité, le seul du pays , cf photo), la tradition dominante restant le logement intergénérationnel.
Nul doute que si les études comparatives inter-régionales seront enrichissantes, les études comparatives entre pays seront également riches d’enseignements.
Quand on redécouvre les vertus du souverainisme sanitaire
A l’heure où nos élites politiques redécouvrent subitement la pertinence du souverainisme sanitaire (mieux vaut tard que jamais), il est bon de rappeler que le 5 juillet 2012 !!, le consultant Stéphane Ledoux écrivait, dans la revue de l’Ecole de Guerre Economique, un article particulièrement prémonitoire dont voici un extrait :
« En délocalisant sa base productive, l’industrie pharmaceutique, acteur clef du système de santé, encourt plusieurs risques :
• La création d’une industrie concurrente dans les pays émergents,
• Le transfert de savoir-faire,
• Une dépendance accrue envers des sous traitants,
• Une perte de contrôle de la chaine de fabrication de produit vendue sous ses marques,
• Un risque de crise sanitaire accrue dans un environnement où la faiblesse des contrôles sanitaires et des standards de qualités ou des normes environnementales produisent un « avantage » concurrentiel.
En n’intégrant pas la dimension industrielle du système de santé, la gouvernance échoue dans la dimension stratégique de sa mission, à savoir la mise en place d’un système approvisionnement pérenne de produit sanitaire.
Une initiative sur une base comptable a déstabilisé le système de production de médicaments. La stratégie d’adaptation de l’industrie pour préserver ses marges est dangereuse à moyen et long terme, pour elle-même mais surtout pour le système de santé français, elle crée une dépendance nouvelle envers des fournisseurs de plus en plus lointains et de moins en moins fiables.
Dans ce contexte la France s’expose à des tensions et même peut-être à des ruptures d’approvisionnement en médicaments et à un risque significatif sur la qualité des produits. Un manque de réflexion stratégique est la cause de cette perte de souveraineté sanitaire. Le concept de technologie souveraine, très présent dans l’industrie de défense, pourrait servir de référence au développement et au renouveau d’une industrie de santé en France ».
En voilà qui mérite qu’on le cite tant il est vrai qu’il a clairement formalisé il y a huit ans ce que beaucoup découvrent hélas un peu tard.
Des intellectuels locaux à redécouvrir
Le temps de confinement est favorable au tri et au classement.
Je me suis penché à cette occasion sur un fascicule du début du XXe siècle intitulé « Visages de la Flandre et de l’Artois » de Léon Bocquet, de Marquillies, un oncle paternel des parlementaires Eric et Alain Bocquet.
Né en 1876, décédé en 1954, Léon Bocquet, angliciste de formation, écrivit des poèmes et des romans dont les plus connus sont « Le Fardeau des jours » et « Heurtebise », pour lesquels la critique ne fut pas avare d’éloges.
Ce fascicule s’intéresse à ce qui fut un temps appelé « l’école des poètes de Lille », autour d’Auguste Angellier et plus largement des 300 figures intellectuelles du Nord de cette époque telles Charles de Gaulle, le poète Albert Samain, le docteur et homme politique Henri wallon, l’écrivain Maxence Van der Meersch, le poète patoisant Jules Mousseron ou encore Alexandre Desrousseaux, l’auteur du P’tit Quinquin.
Bien évidemment, c’est avec une curiosité empreinte d’impatience que j’ai cherché les figures émanant d l’avesnois.
Sur les trois-cents intellectuels, on en trouve quatre émanant de notre arrondissement.
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Manuel Gahisto, pseudonyme de Paul Coolen de Petit-Fayt.
Il était à la fois un biographe (« la vie et l’oeuvre de Jules Mousseron »), un romancier (« figures sud américaines », l’illimité ») mais aussi un traducteur d’écrivains sud américains comme Calvez, Coelho Netto ou encore G Beccari.
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Georges A. Tournoux, maubeugeois, essayiste, germaniste et professeur de Lettres à la Faculté de Lille
Et à qui nous devons notamment « la Langue de Novalis » (de son vrai nom Georg Hardenberg, l’un plus éminents représentants du romantisme allemand du au XVIIIe siècle), une étude sur Henri Heine, l'un des plus grands écrivains allemands du XIX e siècle et « l’Essai sur la chrétienté ».
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Marie Delétang, poète et romancière bavaisienne, auteur du recueil « les mains tendues » et deux autres qui se verront décernés un prix de l’Académie Française, « le soir illuminé » (1952) et « la lampe éteinte » (1923).
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Denis Saurat, né à Toulouse mais enseignant à Trélon (où un collège porte son nom), critique et angliciste réputé pour ses travaux sur la pensée de John Milton (poète du 17e), William Blake (poète du 18e) sur « les dialogues métaphysiques » et surtout son livre à succès : « L'Atlantide et le règne des géants".
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Des ouvrages à (re) découvrir en cette période propice à la lecture !