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Le blog de Jean-Marie Allain

Les friches industrielles : retour vers le futur

4 Avril 2023 , Rédigé par Jean-Marie Allain

Note rédigée dans le cadre du séminaire organisé par « Vallée d‘Avenir », sous l’égide de Nathalie RENARD  (table-ronde consacrée à la revalorisation des friches industrielles).

Le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la Sambre, publié en 1973, inscrivait dans ses objectifs la création de la Zone d’Activité Economique (ZAE) de Grévaux les Guides et la création d’un port fluvial, soit deux objectifs pouvant laisser penser que le développement de nouvelles zones d’activités économiques sur les plateaux d’entrée d’agglomération pouvaient être complémentaires à un maintien de l’activité industrielle en fond de vallée.

La crise sidérurgique qui va éclater au même moment va rajouter une nouvelle problématique aux politiques locales d’aménagement, celle des friches industrielles dont la reconquête va connaître plusieurs phases et plusieurs cas de figure.

LA PHASE DE RECONQUETE EN l’ABSENCE D’INTIATIVE PRIVEE ET D’INITIATIVE DES ORGANISMES PUBLICS

La première friche qui s’affiche en plein coeur du paysage sambrien est la friche d’Usinor Louvroil et ses 57 hectares de masses de béton et de ferrailles qui donnent l’image d’un véritable bombardement.

De 1975 à 1981, le maire pionnier de Louvroil André BOCQUET, ancien syndicaliste de la sidérurgie, se retrouve seul mais décide avec le directeur de l’Agence d’urbanisme, Jean Gobron, et son architecte Didier Darnaud, de prendre les choses en mains.
Jean Gobron travaille sur le projet de nettoyage du site et tente de trouver des financements auprès des administrations qui n’ont rien prévu pour ce type d’actions tandis que D.Garnaud conçoit, en lien avec le maire et le Président de l’Agence Jean Jouannot, un schéma de reconversion du site dans lequel il est prévu un port fluvial adossé à un lotissement industriel, lequel jouxte un lotissement artisanal et même un petit secteur dévolu à l’habitat (voir schéma de Didier Garnaud dans la revue « Urbanisme »).

A force de pugnacité, de pouvoir de persuasion et de négociation, la petite équipe parvient à obtenir auprès de l’Etat et de la Région, les aides nécessaires à la démolition et la remise en état du site. La plupart des gravats seront enfouis sur place.

En 1981, Pierre Mauroy, le Président de Région devenu premier ministre, vient inaugurer le site et s’appuiera sur cette expérimentation pour créer l’Etablissement Public Foncier de la Région Nord-Pas de Calais.

Faute de portage politique pour le volet aménagement, le projet de reconversion économique du site restera lettre morte…et le centre aquatique l’Emeraude de l’Agglomération y sera implanté un peu avant 2020.

LA PHASE DE PARTAGE DES ROLES ENTRE LE PRIVE ET LE PUBLIC

1977 : Fermeture d’HK Porter Marpent (1500 salariés et une vingtaine d’ hectares de friches sur Marpent et Boussois) :

  • Un industriel marpentois rachète les bâtiments de la rive droite pour les louer avant d’en revendre en 1999 une grande partie à ses locataires. Ce site, la zone de la Buissière, est toujours occupé aujourd’hui : fabricant d’isolants, chaudronnerie, stockage de produits import-export, découpage laser, activités artisanales diverses : on compte une dizaine d’entreprises.

  • Une autre société (SERTIRU) rachète l’aciérie, située la rive gauche, pour ferrailler les bâtiments industriels mais sans procéder à une remise en état du site.

2001 : la municipalité rachète sur ce site une partie du foncier qu’elle cède à l’agglomération et sollicite cette dernière pour faire l’acquisition du reste en vue de demander à l’EPF une requalification environnementale. L’opération, d’un montant d’1,2 M€ est financée intégralement par l’Europe, la Région et l’Etat. Ce secteur devient le 1er site d’intérêt communautaire au titre de la Trame Verte et Bleue, suivi immédiatement et dans les mêmes conditions par l’opération de requalification de la friche EDF de Pont-sur-Sambre.

On constate que le privé s’est limité au volet rentable de l’opération.

CAS DE RECONVERSION INTEGRALE DE LA FRICHE PAR LE PRIVE

Reconversion  de la friche Vallourec par la Société Flamme  .Il s’étendait sur 3 communes : Vallourec Maubeuge (devenue la céramique Desvres), Vallourec Louvroil (devenue Flamme Environnement) et Vallourec Hautmont, devenue le centre de tri Recyclage Des Vallées.

Sur deux décennies, remarquable métamorphose d’une immense friche (« le triangle noir ») en plein coeur de vallée.

Exemple de la friche de la fonderie Fontaine (7 ha sur Marpent et Jeumont)

Friche en sommeil depuis deux décennies.

2003, le maire de Marpent demande avec insistance au liquidateur d’accélérer la mise en vente du bien. Un ferrailleur rachète la friche aux enchères assure la remise à niveau et revend à Bouygues Immobilier qui conçoit, en concertation avec les deux communes, un projet autour d’un EHPAD et d’une soixantaine de logements revendus en VEFA à un bailleur social, Partenord Habitat.

Opération exemplaire d’urbanisme avec une artificialisation zéro.

CAS DE RECONVERSION INTEGRALE DE LA FRICHE PAR LE PUBLIC

C’est le cas de figure le plus fréquent 

  • Outre l’Emeraude à Louvroil,

  • Reconversion de la friche Titan Coder à Maubeuge (EPF-REGION Lycée Lurçat)

  • Le Port Fluvial d’Hautmont (reconversion communale)

  • Reconversion de la friche d’armement aulnésienne  en pôle des Cultures Actuelles  (Agglomération)

LES RAISONS DE LA RARETE DES RECONVERSIONS A VOCATION INDUSTRIELLE

-Les raisons techniques : entreprises moins tributaires de la voie d’eau pour le transport (même si certaines peuvent être très tributaires en termes d’approvisionnement (exemple du projet franco coréen de séparateurs de batteries qui exigeait au moins 40 hectares et un volume d’eau considérable) + besoin pour les entreprises de disposer de visibilité commerciale (Ménissez), d’accessibilité routière (zones de Grévaux, de La Marlière.. ) d’espaces non contraints par le tissu urbain (nuisances, possibilité de s’agrandir), facilités à s’installer sur des sites tout équipés par la collectivité.

-Les raisons juridiques : La loi NOTRE de 2015 (nouvelle Organisation Territoriale de la République) limite les intercommunalités à la création de zones d’activités économiques aux zones qui étaient à l’origine publique, ce qui leur interdit, a contrario, de transformer une ancienne ZAE privée (avec des bâtiments vacants en friche)  en ZAE publique (ce qui a été fait avec la ZAE de Fives - Cail à Rousies n’est plus possible).L’Etat, indirectement, a favorisé l’artificialisation des sols à la périphérie.

-Les raisons financières : Effets des subventions, plus intéressantes en cas de renaturation : il faudrait pourtant faire  le bilan de la renaturation. Si certains choix ont été pertinents, la renaturation génère des coûts d’entretien très conséquents pour la collectivité et des espaces d’incivilités.

-Les raisons culturelles : les reconversions à but industriel sont parfois techniquement possibles mais culturellement impensables : les collectivités ont pris des habitudes…écartant tout risque de réaction négative des populations… la friche de la cartonnerie de Jeumont n’est pas encore requalifiée qu’on parle déjà de renaturation et de zones de promenades (alors qu’il en existe déjà plusieurs dizaines d’hectares à quelques mètres et que cette friche est équipée de plusieurs quais sur la Sambre !).

-Absence d’une réflexion globale sur l’existence et le devenir des friches : de 1980 à 2000, il existait à l’Agence d’Urbanisme un Observatoire permanent des friches industrielles avec un chargé de mission à temps plein. Ensuite, plus rien. Résultat : des opérations au coup par coup en dehors de toute planification. L’idée d’un schéma intercommunal des Friches en est à ses balbutiements, 40 ans après l’apparition des premières friches !

VERS UNE REMISE EN QUESTION DU MODELE QUI PREVAUT AUJOURD’HUI

Le Zéro Artificialisation Nette va s’imposer à l’habitat mais aussi aux entreprises et va contraindre à revoir aussi bien les logiques de transport (probable regain du fret ferroviaire, sachant que certaines friches disposent d’embranchements) que le modèle de la zone industrielle périphérique.

Les exigences de la transition écologique vont par ailleurs accroître l’acceptabilité  des entreprises dans les communes.

Le devenir de la friche Sambre et Meuse représente à cet égard un enjeu de première importance.

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