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Le blog de Jean-Marie Allain

Par disette, les gloutons doivent montrer l'exemple

14 Janvier 2023 , Rédigé par Jean-Marie Allain

La crise énergétique que nous vivons est exceptionnelle et les effets de la guerre en Ukraine sont aggravés par l’inconséquence des choix de nos gouvernants qui ont laissé dépérir le potentiel énergétique de la France et validé un mode de calcul stupide de l’Union Européenne du prix de l’électricité, aligné sur celui du gaz.

Cette crise, outre qu’elle fait peser la menace de coupures, fait exploser les prix de l’énergie et justifie une gestion plus économe de l’éclairage public.

A l’image des commues rurales qui, pour la plupart, pratiquaient déjà l’extinction de l’éclairage public la nuit, la Communauté d’Agglomération a organisé un séminaire à Bachant au cours duquel il fut envisagé cette possibilité.

D’emblée, le maire de Maubeuge a précisé qu’il avait besoin sur sa commune de maintenir des secteurs éclairés la nuit en raison de la nature de ces « zones sensibles » et de la présence de la vidéo surveillance.

Outre que l’on peut répondre que les caméras infra rouges sont faites pour voir la nuit, cet argument est d’autant plus curieux que tout le monde s’accorde à dire que l’obscurité ne génère pas plus d’incivilités (aucune étude en France ne l’a démontré) et que ce serait même plutôt l’inverse.

Ce jour-là, j’ai tout de suite précisé que la commune de Marpent s’associait à l’objectif de l’Agglomération mais à condition que toutes les communes « jouent le jeu », y compris Maubeuge.

Le premier point qui mérite débat, qui concerne toutes les communes, est celui de la sécurité des piétons et des deux roues. Sur ce point l’Agence Française de l’Eclairage affirme, études à l’appui, que l’extinction de l’éclairage public tend à augmenter les risques d’accident de ces deux catégories d’usagers, et donc la responsabilité pénale des maires.

Interrogé sur ce sujet par le sénateur Anglars, le gouvernement, par la voix de Dominique Faure, ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, vient de rappeler que la responsabilité du maire est possiblement engagée, contrairement aux propos qui ont été tenus lors du conseil communautaire : «  le maire est couvert par son arrêté en cas d’accident ».

La ministre reconnaît au contraire que le juge administratif, en cas d’accident dû à un défaut d’éclairage, est fondé à rechercher si «  des circonstances particulières témoignant d'une faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police sont susceptibles d'engager sa responsabilité » et, sur ce constat recommande aux maires « de prendre des mesures de signalisation visibles de nuit, tels que des panneaux réfléchissants ou clignotants avertissant des dangers. »

La commune subit donc la double peine : suppression de l’éclairage et dépenses pour les moyens de signalisation. 

Ces réponses n’ont de toute façon pas satisfait le sénateur Anglars, qui les a jugées « insuffisantes »  et a réitéré sa demande au gouvernement de « se saisir du sujet ». 

Le deuxième point  concerne les modalités de l’extinction. Et, à ce propos, nous ne pouvons pas dire que l’agglomération ait mené une véritable réflexion sur l’éclairage intelligent et sa palette d’options : éclairage progressif, détecteurs de présence, enlèvement d’une ampoule sur deux, allumage à la demande avec le téléphone… autant de possibilités qui peuvent permettre, comme le précise la Ministre, de dégager des moyens « pour cibler les lieux où l'éclairage serait rendu nécessaire pour des raisons de sécurité ». 

Faisan fi d’une réflexion sérieuse et contradictoire sur le sujet, l’agglomération a préféré s’engager précipitamment, les communes suivant la consigne, sans trop se poser de questions.

J’avais prévenu lors du séminaire bâclé de Bachant que nous conditionnerions la mise en oeuvre de la délibération à l’application par Maubeuge de cette même délibération, à savoir l’extinction entre 23 h et 5 h.

Dès que Maubeuge aura communiqué son plan de «zones sensibles » (où l’EP serait maintenu), le conseil municipal de Marpent examinera s’il convient ou non d’adopter l’arrêté, au vu des zones sensibles qui sont les nôtres et des aménagements à réaliser pour sécuriser les piétons et les deux roues.

Le maire de Maubeuge m'explique que ses 154 caméras se rechargent sur l'éclairage public et qu'il n'a pas de compte à rendre aux autres communes. C'est faite fi, avec un certain mépris,  des communes plus petites qui pourtant sont parfois dans une situation équivalente (notre réseau wi-fi se recharge également sur l'éclairage public), d'autant plus que la plage horaire d'allumage (23 h à 5 h) suffit à recharger les caméras

Le comble de cette histoire, c’est que les deux communes qui rechignent à éteindre l’éclairage public (Maubeuge et Louvroil) sont les deux communes pour lesquelles l’Agglomération s’est engagée dans un Partenariat Public Privé (PPP) qui coûte chaque année plus de trois millions d'euros aux contribuables sambriens.

Nous attendons par conséquent que ces deux communes passent à l’acte sur tout leur territoire pour examiner les modalités de passer à l’acte à notre tour.

 

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Mes Nuits avec Emma B.

9 Janvier 2023 , Rédigé par Jean-Marie Allain

 

Rafaëla DA FONSECA, agrégé de lettres classiques et professeure de littérature à Maubeuge et invitée d'honneur à la cérémonie des voeux, a publié «  Mes nuits avec Emma B. » aux Presses littéraires, un ouvrage qui figure parmi les meilleures ventes en ce moment.

La période de confinement du Covid a marqué la vie de chaque français. Comme l’explique l’auteur dans son avant-propos, le Covid a souvent été l’occasion de découvrir les séries télé … ou d’observer par la fenêtre que le voisin s’était trouvé une vocation sportive ou qu’il se décidait à promener le chien deux fois par jour, quitte à ce que toutou traîne les pattes.

Et pour celles et ceux qui écrivent, cela fut un vecteur extraordinaire d’imagination.

Pour Rafaëla, le Covid  fut ainsi l’occasion de relire « Mme Bovary » de Flaubert …  Mais Rafaëla s’est assoupie pour rêver qu’une diligence gentiment baptisée l’hirondelle l’emmène du Nord vers la Normandie, plus d’un siècle auparavant, où elle est accueillie par Mme Bovary, qui se dit sa tante, et l’appellera Léonor.

La narration se fait donc  selon un procédé cinématographique qui m’a rappelé celui des visiteurs à la différence près, et de taille quand même,  que "les visiteurs" regardent le monde d’aujourd’hui avec les yeux du Moyen Age tandis que, dans le cas présent côté, le lecteur regarde le 19e siècle avec les yeux d’aujourd’hui.

Ce retour en arrière suscite des allers et retours entre l’époque Bovary, celle de l'enfance portugaise de Rafaëla, puis en Normandie  et l’époque actuelle, provoquant un tourbillon  nous faisant perdre parfois nos repères temporels mais toujours prétexte, grâce à son imagination surprenante, à créer des situations tantôt poétiques (cf son regard nostalgique sur la tonnelle des amours d’Emma), tantôt loufoques

Quant à sa plume, elle est brillante, alerte, vive et même parfois tranchante.

Elle se montre ainsi plus cruelle que Flaubert  dans le portrait de Charles, le pauvre médecin et mari d’Emma :

« On ne peut pas dire qu’il était laid, non. Comme dirait ma mère, il de ceux dont on ne dit rien. Ni beau, ni moche. L’éternel figurant. A le regarder du plus près, on comprenait pourquoi Flaubert avait mis du Charal en lui, regard bovin aussi inexpressif que l’œil d’une truite, paupières tombantes fatiguées sans doute d’avoir dû retenir depuis trop longtemps le poids de la bêtise ».

Le moment le plus fort de cette fiction aux allures de conte, c’est cette confidence nocturne que fait Emma à Léonor au retour d’une sortie d’adultère avec  Rodolphe, l’amant qu’a tout de suite jugé Léonor qui le qualifie d’ « allumeur de grand chemin ».

« Rodolphe, c’est comme la peste du temps de Montaigne. Si j’avais dû l’ajouter à mes contacts dans le répertoire de mon téléphone, je me serais juste contenter d’une série de smileys : le petit bonhomme vert tout près de dégobiller. La moitié des grenouilles est en voie de disparition, paraît-il. Si l’on pouvait éventuellement nous débarrasser de certains crapauds ».

Léonor, pour protéger Emma devenue son amie, tente en vain de la dissuader de renouer avec ce Rodolphe pour une relation amoureuse qu’elle sait vouée à la décomposition, à la déception et à la mort.

Tous les protagonistes du livre sont donc des personnages de Flaubert qui ont gardé leur physique et leur caractère mais qui ont été réinventés en quelque sorte par Rafaëla… comme Emma, plus vivante et moins déprimée que la Emma de Flaubert, la reine de l’ennui.

Mais Flaubert n’avait-il pas lui-même réinventé des personnes du réel, en tout premier lieu Emma, personnage élaboré à partir d’une certaine Delphine Delamare, jeune femme aux amants et criblée de dettes qui s’est suicidée quelques années plus tôt et a inspiré le roman Flaubert

S’il y un mot portugais que le lecteur retient, c’est celui de « saudade », mot d’ailleurs accepté dans le Larousse car il est difficilement traduisible en français « Nostalgie un peu heureuse, « le passé heureux qui ne veut pas devenir souvenir », une fenêtre ouverte sur des heures qui furent joyeuses ».

Flaubert disait sur son lit de mort : « Cette pute de Bovary va vivre et je vais mourir comme un chien ».

La réinvention originale d’Emma, sous la plume talentueuse de Rafaëla, tend à donner raison à Flaubert mais peut aussi être un prétexte à redécouvrir ce grand écrivain.

 

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