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Le blog de Jean-Marie Allain

LA PERTE DE POPULATION AU PROFIT DES CAMPAGNES EST-ELLE UNE MALADIE HONTEUSE

26 Février 2009 , Rédigé par Jean-Marie Allain Publié dans #EVENEMENTS

Le val de Sambre perd depuis trente ans de la population dont une partie

 s'installe dans les villages des alentours.

 120 000 habitants dans les années 70, 99 000 aujourd¹hui et 83 000 en 2020

 selon l¹INSEE.

 Ce mouvement de péri-urbanisation est-il néfaste et, si oui, est-il

 inéluctable ?

 

On parle de « péri-urbanisation » sans toujours préciser que :

       - cette expression peut signifier l¹extension aux franges des villes ou la

 croissance de communes situées à la périphérie de ces mêmes villes

      - et qu¹elle s¹exprime selon des modalités  diverses  :  urbanisation le

 long des routes (dite en doigts de gant) ou de manière plus compacte mais

 dans un secteur dévolu à l¹agriculture.

 
La diversité de ces diverses formes de péri-urbanisation rend délicate toute

 appréciation tant il est vrai que les motivations sociales peuvent être

 contrastées.

 A vrai dire, la péri-urbanisation qui pose aujourd¹hui problème, c¹est bien

 l'étalement péri-urbain, dont on sait qu'il est socialement ségrégatif et

 difficilement desservi par les transports collectifs.
 Il peut toucher aussi bien les petites que les grosses communes.

 

 La forme la plus incontestablement décriée, à juste titre, c¹est l'étalement

en doigt de gants, précédé ou non d¹un mitage, alors que l¹urbanisation

groupée à la frange d¹un tissu bâti peut de son côté prêter à débat (d¹aucun

 diront qu¹elle est justifiée si la commune a épuisé toutes les ressources

 intra-muros, injustifiée si cela s¹inscrit dans une logique de facilité qui

 ne soucie pas de renouveler et de densifier le bâti existant).

 
Les causes de cet étalement sont multiples : retour à la campagne, fuite de

 la prosmicuité urbaine, coût moindre du foncier, part décisive de la taxe

 d'habitation dans les recettes communales des petites communes, coût de

 réseaux souvent payés par les intercommunalités...

 

 

Les incidences négatives de cet étalement péri-urbain, permis par la voiture
individuelle et l'amélioration des infrastructures routières, sont connus et

reconnus (sauf par un courant ultra-libéral qui considère qu¹il s¹agit d¹un mécanisme de marché qui trouve par lui-même son mode de régulation.) : déplacements pendulaires (le plus souvent en véhicules individuels) avec ses effets sur la pollution et la bio-diversité, habitat de faible densité, teinté d¹individualisme et de ségrégation sociale, coûts induits pour la collectivité en termes de réseaux et de services (ordures ménagères, transport scolaires, déneigement etc), aggravation des inégalités du fait des coûts de déplacement venant grever le budget des petits accédants, imperméabilisation excessive aggravant l¹écoulement des eaux pluviales,grignotage des activités agricoles, banalisation des paysages, accroissement des prix du foncier au détriment des agriculteurs,  stigmatisation des quartiers paupérisés par le départ des couches moyennes, conflits d'usage de l'espace rural entre les utilisateurs traditionnels et les néo-ruraux, fermeture de classes suite au vieillissement des accédants.

 
Lorsqu'une commune rurale tente de greffer une opération de quelques

 logements sur son centre-bourg, on peut parler de croissance péri-urbaine

 (et donc de péri-urbanisation) mais, sauf à interdire aux communes rurales

 de se développer (mais au non de quoi ?) cela n¹est pas forcément une chose
négative sur le plan du développement durable dans la mesure où il peut

s'agir de logements sociaux (HQE de surcroît) pour des salariés des PME de

 cette commune .

 

L¹Etat a d¹ailleurs en d¹autres temps encouragé à ce type de réalisations

sous le label « opération greffe ».

Certes, si ces logements drainent des salariés de la ville, les déplacements

 induits seront considérés comme préjudiciables au développement durable,

 encore que l¹utilisation massive de transports collectifs pourrait atténuer

 la portée de ce jugement.

 

 Bref, il n¹est pas toujours facile de dire si la croissance d¹une commune

péri-urbaine est en soi mauvaise du point de vue du développement durable ;

tout dépendra de son insertion ou de son « accroche » au bâti existant, de

sa mixité sociale et des pratiques de mobilité induite.

Ainsi, l'étalement urbain est difficilement conciliable avec une desserte en

 TC au vu des incidences financières : un service public peut être

 déficitaire, on ne peut pas pour autant accepter qu¹il devienne un gouffre

 pour réparer les erreurs des passées.

 
Force est de reconnaître aujourd'hui que l'offre en transports publics n¹est

pas toujours suffisante ou adaptée pour rendre ce schéma opératoire.

 De même, le fait d'habiter la ville n¹est pas en soi une garantie de la

 conformité au développement durable.

 Des millions de citadins se rendent chaque matin à leur travail en voiture

 dans une autre ville, éloignée de 50 ou 100 kilomètres.

 

Seule la mesure comparée des communes (mesure combinant l¹empreinte

 écologique et des indices de mixité sociale) serait à même de dire si leur

 conception et leur fonctionnement s¹inscrit ou non dans le développement

 durable.

 
Lutter contre les formes les plus nuisibles de l¹urbanisation passe d'abord

 par la mobilisation des outils de planification (SCOT et PLU) mais ceux-ci,

 sauf à sombrer dans la planification autoritaire, peuvent difficilement

 régler à eux seuls le problème.

 

Le SCOT est un outil de compromis entre le rural et l'urbain et nombre de
petites communes ont par ailleurs compris qu¹il valait mieux revenir au RNU
que de s¹encombrer d¹un POS si elles voulaient disposer d¹une souplesse
suffisante pour accorder des droits à construire.

 
De plus, il n¹est pas possible aujourd¹hui de fixer un COS minimal pour

 imposer la densité dans certains secteurs.

 Cette possibilité réside dans les orientations d¹aménagement du SCOT ou du
PLU mais ces orientations, pour les raisons citées plus haut, s¹avèrent plus

 souvent «  light » que « hard ».

 

 

Quant au PLH, il se réduit souvent à un affichage politique d¹une
programmation importante de logements qui se heurte, dans les PLU, à la
nécessaire contraction des zones à urbaniser.

 

 Cela passe aussi par des politiques de l¹habitat sélectives à l¹échelle de

 l'agglomération qui pourrait conditionner les aides à la localisation dans

 un périmètre de réinvestissement urbain.

 
Cela passe aussi, pour les communes et les agglomérations, par une politique

 volontariste dans le parc ancien (taxe sur la vacance, lutte contre

 l¹insalubrité etc), couplée avec des politiques de qualification des

 espaces publics et d¹offres de services de proximité, publics et privés

 (maintien des commerces), pour reconstituer une offre de logements

 concurrentielle.

 

 Cela passe également par l¹impulsion, de la part des collectivités locales,

 de politiques foncières audacieuses (majoration foncier non bâti, portage

 foncier) et de formes d¹urbanisation groupée.

 
Cela suppose ensuite de bien cerner les raisons socio-économiques des

 parcours résidentiels.

 Le citoyen péri-urbain qui a les moyens d¹échapper à la promiscuité sociale

 et de se déplacer a peu de points communs avec son homologue qui se trouve

 là faute d¹avoir trouvé un foncier moins cher (et tout heureux d¹avoir une

 fiscalité plus faible), partageant tout au plus le rêve du retour à la

 nature.

 

La densification de l¹offre n¹intéressera pas le premier mais peut
intéresser le second si l¹offre parvient à concilier la densité et l¹attente
sociale, si elle mobilise en quelque sorte les fondamentaux de la demande
pavillonnaire : maisons de ville, pavillonnaire urbain, éco-quartiers - à
condition de ne pas les réserver à une catégorie -, qualité des espaces
naturels, place des deux roues, loisirs verts, habitat dense mais préservant
l¹intimité, la sécurité et le calme :

 
Enfin, la ville, pour être «  concurrentielle », doit favoriser le

 « bien vivre ensemble » (festif évènementiel, associationsŠ) et susciter le

 sentiment d¹appartenance.

 

Pour résumer, le nerf de la stratégie de lutte contre l'étalement urbain,

 c'est que les villes offrent une alternative crédible en intervenant sur

 tous les leviers de la maîtrise des coûts du foncier à l'offre de logements

 de qualité en passant par les espaces publics, les services de proximité et

 les transports.

 

C¹est à ce sujet un tort de croire qu¹un « équipement phare » va séduire et

ramener les réo-ruraux.

Ceux-ci peuvent rester dans la ruralité et utiliser néanmoins

 l¹équipement-phare.

 

D¹ailleurs, un phare n¹attire pas, il prévient pour éloigner le marin. Les néo-ruraux sont plus sensibles à la fréquence et à qualité du ramassage des déchets et au montant des impôts locaux.

 

Dans l¹attente de ce travail fort ambitieux (et non gagné d¹avance), il
importe de développer les offres alternatives de transport ou encore, pour réduire la mobilité, les zones d¹activités proches de ces zones résidentielles, la lutte contre la péri-urbanisation ne devant pas se confondre avec la croissance zéro du monde rural.

 

 

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