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Le blog de Jean-Marie Allain

Huile de frites, le carburant de demain ?

6 Juillet 2007 , Rédigé par Jean-Marie Allain Publié dans #ECOLOGIE - DVLPT DURABLE

L’Union Européenne a décidé que la part des bio-carburants devra représenter d’ici 2020 au moins 10 % de la consommation totale des carburants transports. Les bio-carburants sont des carburants mixtes issus soit de plantes oléagineuses comme le colza ou le tournesol (bio-diésel), soit de plantes sucrières comme la betterave (bio-éthanol).

Ces bio-carburants présentent l’avantage de ne pas émettre plus de CO2 qu’ils n’en absorbent par le biais de la croissance de la plante, et de respecter en conséquence le principe de neutralité carbone.
Une directive européenne de 2003 avait fixé l’objectif de parvenir à une part de 2 % de bio-carburants dans les transports en 2005, et cet objectif n’a pas été atteint.
La commission européenne a de ce fait incité les Etats membres à accomplir un saut quantitatif et qualitatif en matière de bio-carburants.

Ce saut qualitatif a été franchi avec l’utilisation en 2006 par la Communauté de Communes de Villeneuve sur Lot d’utiliser, sans mélange, de l’huile végétale pure (HVP) dans sa flotte de véhicules techniques.

Cette décision a été attaquée par l’Etat sur la base du Code des Douanes qui dit : « Art. 265 ter.- 1. Sont interdites l'utilisation à la carburation, la vente ou la mise en vente pour la carburation de produits dont l'utilisation et la vente pour cet usage n'ont pas été spécialement autorisés par des arrêtés du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l’industrie.

Mais la demande de l’Etat français a été reboutée par les tribunaux en vertu des directives européennes (cf les arrêts 30 et 96 rendus parla Cour Européenne en 2003) pour aboutir, depuis le 1er janvier 2007, à l’autorisation pour les collectivités locales d’avoir recours à ce type de carburants, dans le cadre d’un protocole co-signé avec les douanes et la Préfecture.
Malheureusement, l’inorganisation totale de la filière dans le Nord (des producteurs mais peu de transformateurs et pas de distributeurs agréés) empêche le développement de cette source d’énergie et empêche la création d’emplois liés à cette filière.
Que se passe t -il si la commune s'approvisionne en Belgique ?

Même si depuis peu, les huiles végétales pures bénéficient, en vertu de l’article 265 bis A du Code des Douanes, d’une exonération de la taxe intérieure de consommation, la France se distingue par une législation épouvantablement compliquée et contraignante ( voir le décret du 25 mars 2007 qui oblige le distributeur, pour être titulaire d’un entrepôt fiscal énergétique, à colorer les huiles et à tenir une comptabilité séparée…)
Cette complexité fait que les producteurs renoncent à vendre leur huile avec pignon sur rue et vendent « sous le manteau ».
En Belgique, en Allemagne, en Autriche, des milliers d'automobilistes roulent pourtant avec de l'huile végétale.
En France, quelques centaines tout au plus.
Nous désertons une filière porteuse en termes de développement durable.

Il existe aussi une voie encore plus prometteuse dans le recyclage des huiles végétales alimentaires usagées qui, pour la plupart aujourd’hui, ne sont pas recyclées et polluent l’environnement.
C’est le cas de l’huile de frites usagée qui s’avère, après filtration au micron, être un carburant efficace, ne dégageant aucun CO2 et permettant de recycler un déchet tout en économisant une énergie fossile.
Des bus en Autriche roulent 100 % à l’huile de frites.
En France, la Communauté d’agglomération de La Rochelle, dans le cadre d’un projet financé par l’Union Européenne, vient de lancer un appel d’offres pour la collecter auprès des restaurateurs en vue de sa flotte de véhicules.
Une question se pose de savoir si le protocole prévu pour les huiles végétales pures s’applique aussi pour les huiles végétales recyclées.
On peut le penser car, outre le fait que les directives européennes incitent à recycler les déchets, le décret 1574 du 11 décembre 2006 admet en entrepôt fiscal de produit énergétique « tout produit destiné à la fabrication de produits énergétiques ».

Dans le cas contraire, si le protocole HVP ne s’applique pas, la solution consisterait à prendre acte :
- que la France doit intégrer le protocole de Kyoto et les directives européennes qui en découlent,
- que la France est dotée d’une Charte de l’Environnement, loi constitutionnelle du 1er mars 2005 dont l’article 2 précise que toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement.
- que le Président de la République est signataire du Pacte Ecologique,
et à demander, par le biais d’un amendement parlementaire au projet de Loi de Finances, un protocole Huiles Végétales Usagées, sur le même principe que le protocole Huiles Végétales Pures.

Enfin, une autre solution serait de s’appuyer sur la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 qui autorise les collectivités locales à mener des expérimentations pour une durée limitée et à solliciter l’accord du Parlement puisque lui seul a le pouvoir d’autoriser les expérimentations locales.

Une solution d’attente consiste (c’est le choix envisagé à La Rochelle) à utiliser l’huile végétale usagée comme additif, sur la base du Code des Douanes (voir Bulletin Officiel des douanes 6433 du 27 mai 2000, modifié par le BOD 6458 du 2 octobre 200) qui stipule que l’additivation est autorisée de droit pour tous les carburants (pour en améliorer le rendement ou comme ici la nocivité) sous la responsabilité de ceux qui l’effectuent (I-B-2-b)…sans que le critère quantitatif de l’additif soit par ailleurs précisé.
C’est l’expérimentation que nous menons à Marpent, première commune en France à utiliser l’huile de frites dans sa flotte captive.

Cette alternative basée sur le recyclage de l’huile alimentaire usagée est d'autant plus prometteuse que la production à grande échelle de bio-carburants comme le bio-diésel (fabriqué à partir de l'huile végétale) ou l'éthanol (qui provient de l'alcool de betterave ou de maïs) a une faible productivité énergétique (la production d'un litre d'éthanol à partir de maïs demande 1,3 litre de pétrole, ce qui peu glorieux en matière de rejet de CO2), mobilise des engrais chimiques, diminue les surfaces disponibles pour la production alimentaire, menace la bio-diversité, fait monter les cours pour les pays pauvres, accélère la déforestation et épuise la nappe phréatique.

La commune de Marpent sollicite Monsieur le Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable pour que soit organisée sous l’égide de son Ministère une rencontre destiné à faire le point sur les aspects juridiques et fiscaux de ces filières porteuses de développement et créatrices d’emplois.


Jean-Marie ALLAIN , maire de Marpent
Le 5 juillet 2007

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