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Le blog de Jean-Marie Allain

Quelle politique locale de santé ?

26 Octobre 2010 , Rédigé par Jean-Marie Allain Publié dans #SANTE

Voici l'intervention que j'ai faite au Conseil Communautaire.

 

La lutte contre la désertification médicale qu’annonce la pyramide des âges des médecins, appelle un déploiement d’un certain nombre de moyens INCITATIFS à plusieurs niveaux :

 

Au niveau de l’Etat d’abord, dont c’est la responsabilité première

Certes, l’Etat a bien mis en place une politique d’aide à l’installation de jeunes médecins en milieu rural.

 

Actuellement, la circulaire du 1er septembre 2010 permet en effet à de des étudiants ou internes en médecine d’obtenir une bourse de 1200 € bruts par mois l’installation de médecins en zone rurale qui s’engagent en contrepartie à exercer en zone rurale pour une durée équivalente à celle de l’aide qu’ils ont perçue.

(pour 2010/2011, dans le Nord, cela concerne 14 étudiants et 12 internes).

 

Mais cette politique incitative ne concerne pas notre agglomération qui sera pourtant rapidement confrontée à l’insuffisance de médecins (cf Francis Trincaretto).

Or, l’état de santé de notre population, ses difficultés spécifiques exigeraient que cette politique d’aide au secteur rural soit élargie aux agglomérations dont les indicateurs de santé ne sont pas bons.

 

Au niveau local, on peut aussi, et c’est notre rôle d’élu,  favoriser ou accompagner le regroupement sous différentes formes :

- Cabinet médical (des professionnels de la même catégorie mettent en commun leurs moyens cf GAEC),

- Maison Médicale Pluri-disciplinaire : des professionnels de santé partagent un même espace (pas toujours évident , par exemple les infirmiers craignent que les médecins s’allègent en partie sur eux de leur charge de gestion)

   - Cabinets de Santé Rapprochés : des professionnels de santé qui préfèrent exercer à proximité immédiate l’un de l’autre et mutualiser des espaces tels que le stationnement, le studio pour les remplaçants, voire la salle d’attente.

 

Ce que les professionnels attendent de nous, en pareil cas, ce n’est pas forcément la subvention, c’est le rôle de développeur et de management : trouver les partenaires immobiliers, réfléchir sur un programme, coordonner les réunions…

 

Je souhaite que l’EPS puisse jouer ce rôle en appui aux élus, ce sera sa contribution à la lutte contre le problème de la démographie médicale

 

Cela étant, nous devons prendra garde à ce que la problématique de la santé de nos concitoyens ne se résume à la question  de la densité médicale.

Dans un célèbre ouvrage publié en 1975, «  Némésis médicale, l’expropriation de la santé », Ivan Illich a  été l’un des premiers à montrer et démontrer que l’état de santé d’une population était d’abord fonction de son niveau d’éducation, des habitudes alimentaires, de l’habitat et plus généralement des modes de vie.

 

Par conséquent, cette politique d’anticipation visant à maintenir un niveau suffisant du nombre de médecins , politique qui passe probablement par une nouvelle configuration de l’offre de soins sur le territoire (cf les modalités de regroupement évoquées)  doit en même temps être l’occasion pour s’interroger sur la politique de santé publique et les pratiques de santé que nous voulons promouvoir.

 

Je pourrais vous donner des centaines d’exemples.

J’en prendrai un seul, porté à ma connaissance il y a quelques jours.

 

Une jeune femme  enceinte reçoit une prescription de son médecin traitant pour faire la batterie de la dizaine d’examens sanguins prévue en pareil cas.

Infirmier et biologiste exécutent la prescription : c’est une obligation et c’est aussi leur droit de se faire payer leur acte

 

La semaine suivante, la jeune dame voit son gynécologue et reçoit de nouveau une prescription qui demande exactement  les mêmes tests.

Infirmier et biologiste exécutent la prescription : c’est une obligation et c’est aussi leur droit de se faire payer, une seconde fois, leur acte

 

La jeune dame n’a probablement pas compris ou n’ pas osé posé de question,  elle a fait confiance au système.

 

Ce fait divers, reproduit à l’échelle nationale, donne le constat qu’en dresse Jean de Kervasdoué, ancien directeur des hôpitaux, professeur au CNAM :

Notre système de santé est trop cher écrit-il -  le plus cher du monde après celui des Etats-Unis : trop d’examens, trop de médicaments, trop d’actes médicaux…

50 milliards d’euros de plus que le Japon, pays où l’on vit le plus vieux au monde.

Et lorsque Kersvasdoué dit que l’on consomme trop de médicaments, ce n’est pas en raison du coût que cela représente, mais bien parce c’est dangereux pour la santé

 (Illich aimait rappeler que dans l’ancien grec, remède et poison étaient désignés par le même terme).

 

Autrement dit, l’enjeu pour notre territoire est double et paradoxal :

Il faut absolument et simultanément  lutter contre la sous-médicalisation et contre la sur-médication.

-         contre la sous-médicalisation, en exigeant de l’Etat un juste équilibre dans les politiques d’incitation territoriale et en impulsant localement des formes originales de regroupement

-         contre la sur-médication en engageant un vaste et profond travail de sensibilisation, de conscientisation des populations qui doivent sortir d’une certaine forme de dépendance à l’égard d’un modèle culturel formaté par les lobbying pharmaceutiques qui parasitent le champ  de la santé.

 

Ce sera, de notre point de vue, une des missions d’un Espace de Promotion de la Santé que de permettre aux habitants :

 

-  outre le développement de la prévention au travers de leur mode de vie

-  de mieux se soigner (notamment si cet espace est mesure de favoriser les échanges entre professionnels)

- et enfin et surtout d’être davantage psychologiquement et culturellement armé pour affronter un système de soins dans lequel la notion d’intérêt public est souvent contrariée par des logiques de marché.

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