La fiscalité, arme sociale et environnementale
La richesse d’un Etat provient essentiellement des contributions que lui versent les entreprises et les ménages.
Si les entreprises perdent des marchés (ou pire ferment) et que les ménages s’appauvrissent dans la foulée, la double recette se tarit.
L’Etat ne pouvant baisser brutalement ses charges, (notamment les salaires des fonctionnaires), l’endettement s’aggrave et ainsi de suite.
Le désendettement peut passer par une baisse des dépenses (non remplacement systématiques des départs en retraite de fonctionnaires par exemple).On appelle cela, selon que l’on est du côté du pouvoir ou pas, la rigueur ou l’austérité, voire la récession.
Mais le désendettement peut passer aussi par une recherche de recettes au travers d’une meilleure compétitivité des entreprises, source d’une plus grande solvabilité des ménages, d’un meilleur pouvoir d’achat, de rentrées d’impôts supplémentaires etc…C’est le désendettement par la croissance.
C’est là que l’on retrouve le débat sur l’Europe.
Certains, comme Nicolas Dupont-Aignan, considèrent que le cadre européen bride cette compétitivité et avancent plusieurs arguments :
- L’euro ne nous aurait pas protégés de la crise venue d’Amérique (ses détracteurs considèrent que la situation aurait été bien pire sans l’euro)
- La zone euro est la zone de la planète où la croissance est la moins forte (normal puisque ce sont les pays riches développés)
- Les pays les plus en retard de la zone ont été mis, par la monnaie unique, hors d’état de rattraper leur retard de compétitivité (sans la monnaie unique, c’eut été le dumping social assuré et la concurrence déloyale entre partenaires. Rappelons que les aides de l’Europe aident les pauvres à rattraper leur retard).
- On se dirige vers un système de transferts financiers constants dans leur direction : c’est cela la solidarité ! même s’il faut probablement regretter que l’élargissement trop rapide de l’Europe fut une erreur.
Quand un pauvre demande pour manger à une table de dix, c’est un geste de solidarité que de partager , Quand dix pauvres arrivent à la même table, la notion de partage peut devenir suicidaire.
Mais cet élargissement de la zone euro, imposé par la France à l’Allemagne (attaché à un euro fort), ne sera accepté par cette dernière qu’en l’échange d’un renforcement des critères de Maastricht, inatteignables par les pauvres entrants !
- La moindre compétitivité ne peut se rattraper que par une dévaluation, donc par la sortie de la zone euro.
Une dévaluation (provisoire je suppose) relancerait bien évidement l’activité mais ne serait-ce pas une façon de casser le thermomètre que de penser régler la question de l’endettement ou de la moindre compétitivité par une mesure d’ordre monétaire et sans évaluer précisément toutes les incidences d’une telle décision ?
S’il n’y avait qu’un pays, cela semblerait envisageable mais le nombre de pays endettés fait qu’une sortie massive de la zone euro ferait s’écrouler comme un château de cartes le système monétaire européen.
Et puis, les salariés n’accepteraient pas d’être payés avec de la monnaie de singe…
NDA évite ainsi de se poser la question de la lutte contre les inégalités à l'échelle d'un Etat.
Le seul point je le rejoins, c’est que « l’euro a probablement joué le rôle d’un redoutable anesthésiant : se croyant à l’abri d’une monnaie solide, certains États, dont la France, ont fait exploser leur dette publique, au point d’en arriver à la situation actuelle ».
L’autre alternative pour retrouver le chemin du désendettement par la croissance, c’est l’augmentation des revenus des ménages.
Dans ce scénario, l’option qui consiste à exiger une augmentation des salaires pour tous en oubliant de dire où on prend l’argent et sans s’interroger sur le contenu de ladite croissance est un raccourci démagogique
Cet argent ne peut venir que d’une redistribution des revenus par une politique fiscale équitable, voire les deux à la fois.
La redistribution des richesses vers les plus modestes, outre son aspect légitime puisque ce sont après tout les créateurs de cette richesse, présente aussi l’avantage de libérer davantage de pouvoir d’achat.
En effet, donner plus à ceux qui déjà beaucoup aura moins d’effets sur la consommation que si on donne plus à ceux qui n’ont rien ou pas grand-chose.
Techniquement, cela peut passer par la suppression des niches fiscales les plus prisées des hauts revenus et par une plus forte fiscalité sur le capital (mais on l'a déjà dit, cela serait insuffisant) et par une progressivité accrue de l’impôts sur le revenu.
Un tel choix aurait un sens fort sur le plan politique (lutte contre les inégalités) et sur le plan environnemental (lutte contre le réchauffement climatique puisque, à l’échelle mondiale, ce sont les hauts revenus – à partir de 6000 euros selon les experts - qui rejettent 80 % des gaz à effet de serre).
Bien entendu, aucun responsable politique ne peut limiter son raisonnement à ce seul volet redistributif, au risque d’assécher rapidement la source essentielle de cette redistribution.
Mais inversement, ne parler que du volet création de richesse sans parler de sa redistribution est un raisonnement hémiplégique.
Philippe Séguin, dans son discours de 1992, reprochait au traité de Maastricht une situation où la souveraineté monétaire ayant disparu, les seules variables d’ajustement des économies seraient le chômage et la récession.
Il oubliait de dire que la politique fiscale reste bien une prérogative des Etats et que c’est là que réside (parallèlement à une éradication des paradis fiscaux) l’une des clefs du désendettement.