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Le blog de Jean-Marie Allain

Droit au logement, où est le juste milieu ?

14 Octobre 2009 , Rédigé par Jean-Marie Allain Publié dans #SOCIETE

Le maire socaliste d'Argenteuil s'est vu accuser de discrimination au sujet d'un refus d'attribution de logement pour des questions de mixité sociale.
La siuation est plus complexe qu'il n'y paraît et, on va le voir, pose les limites de la loi Solidarité et Renouvellement Urbain.


En dépit des efforts législatifs et réglementaires, le débat sur la finalité et l’intérêt de la diversité sociale n’est pas clos loin de là, ne serait-ce qu’à lire les approches des spécialistes en sciences humaines sur la question.

On constate, au travers des nombreux ouvrages et articles qui traitent de ce sujet, qu’il se dégage deux visions, deux modèles, un modèle « républicain » et un modèle « communautaire ».

 

-         Le modèle républicain, héritier de la pensée aristotélicienne ( prône le brassage et l’équilibre comme condition de la fraternité et de la cohésion sociale

Il est au coeur des politiques publiques depuis des décennies :

« C’est dans la fusion de classes que se scellera entre les habitants de la ville une nouvelle fraternité  notait une directive du Ministère de l’Equipement datée de 1946 !

Toute concentration spécifique de populations partageant les mêmes caractéristiques est suspecte :

 

o       – Elle engendre la stigmatisation,

o       – Elle entérine le droit des riches à s’enfermer dans des enclos réservés , les « gates communities »

o       – Elle rompt les solidarités complémentaires de voisinage 
 

       -         Le modèle communautaire, d’inspiration anglo-saxonne,      admet          la concentration au nom de plusieurs choses :

 

o       – Elle facilite le travail des intervenants sociaux (l’aide aux mères, l’accompagnement scolaire etc…)

o       – Elle favorise le sentiment d’appartenance au quartier (sans démontrer toutefois que ce sentiment favorise ensuite le sentiment d’appartenance à la ville)

o       – Elle suspecte le modèle républicain de se servir de la diversité pour diluer la pauvreté, mettre les pauvres ou les minorités ethniques à l’écart pour servir l’attractivité territoriale  et cacher l’échec d’une politique d’intégration professionnelle

o       – Elle distingue la communauté du ghetto, ce dernier n’étant que la forme subie de la concentration

o       – Elle affirme que la proximité spatiale n’a jamais réduit la distance sociale et qu'elle peut même l’aggraver (problème de la cohabitation liée à la désynchronisation des temporalités urbaines).

« la solitude et la promiscuité sont les deux contraires les plus identiques au monde » écrivait le poète belge Louis Scutenaire 

o       – Elle prétend que la concentration n’exclue pas de trouver dans les équipements et les espaces publics des opportunités, si pas de brassage, en tout cas de co-habitation sociale.

o       - Elle se méfie d’une diversité qui, en rapprochant les riches et les pauvres, peut susciter un mimétisme ravageur sur le plan des comportements d’achat

o       – Elle invoque la demande sociale qui, personne ne peut le contester, tourne le dos à la diversité.

 

La confrontation de ces deux modèles amène à poser deux questions :

-         Comment concilier le devoir de la fraternité sociale (sans l'imposer de manière autoritaire) avec le droit républicain de choisir son lieu de résidence (cf le débat d'Argentueil)?

-         Comment la diversité peut-elle être crédible lorsque les pouvoirs publics s’avèrent impuissants à enrayer les regroupements affinitaires des plus aisés ?

 

Une chose est sûre : la ségrégation ne fait que refléter spatialement et architecturalement le statut socio-professionnel.

-         Au Moyen-âge, le maître et son compagnon vivaient dans la même habitation mais à des étages différents (on parlait de ségrégation verticale)

-         Au XIXe siècle et durant la période industrielle, la ségrégation est devenue horizontale mais restait confinée et circonscrite au quartier.

-         Le classement social s’opérait par la localisation dans le quartier,taille de la parcelle, le mode de regroupement des logements (patron au château ou dans la maison de maître, logements individuels pour les ingénieurs, en recul de la voie, avec une frontalité soignée et une pièce de réception, logements des contremaîtres sous forme de maisons en bandes mais avec détails différents sur les façades, maisons des employés regroupées dans des unités de deux et maisons des ouvriers dans de unités de quatre…).

La juxtaposition des catégories socio-professionnelles dans les cités minières avec leurs maisons dotées d’un jardin sur le devant avait aussi l’avantage de faciliter la surveillance !

 

Ce qui a changé, c’est la nature de la ségrégation :

        Alors qu’autrefois le statut social passait par les signes, il se traduit aujourd’hui par la distance.

On est passé d’une ségrégation associée à une ségrégation dissociée.

L’histoire de la ville est celle de la recherche du marquage social et d’une mise à distance permanente entre les riches et les pauvres, ignorant la fable du porc-épic de Shopenauer qui regrettait que les hommes s’entêtent à s éloigner alors que quand les porc-épics ont froid, ils se rapprochent mais comme en se rapprochant, ils se piquent, alors ils s’éloignent à nouveau pour trouver le juste milieu.


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