1975-2010 : l'Adus, le sociologue et le territoire (2)
La vallée se dote d’un nouveau paysage politique en 1996.
Jean-Claude DECAGNY, nouveau maire de Maubeuge, est élu à la présidence de la nouvelle intercommunalité (CCVS) dont l’une des premières compétences sera le tourisme fluvial.
Jean-Yves HERBEUVAL, son 1er adjoint, accède à la Présidence de l’Agence.
La Présidence de Jean-Yves HERBEUVAL
M HERBEUVAL me propose de prendre la direction, que j’accepte.
Les circonstances de cette nomination peuvent paraître curieuses politiquement mais néanmoins compréhensibles
Cette décision fut prise, à n’en pas douter, en accord avec JC Decagny.
Les deux hommes m’appréciaient et appréciaient mon travail.
Les liens d’amitié que j’avais en outre pu nouer avec Mme Hourbette (militante gaulliste) au sein d’Habitat pour Tous et le fait de l’avoir co-optée pour assurer pendant un temps la présidence m’ont probablement placé dans une relation de confiance.
L’occasion était trop belle pour ne pas montrer à la gauche que l’ouverture d’esprit et la tolérance n’est pas toujours du côté où l’on croit.
Ce changement coïncide avec la création, dans la foulée de la loi Chevènement, de la Communauté de Communes du Val de Sambre (CCVS) qui prend le relais du Syndicat Intercommunal dans notre financement, le maire de la commune d’Hautmont, Joêl WILMOTTE, ayant fait le choix de créer la Communauté de Communes Sambre-Avesnois (CCSA).
La subvention à l’Agence est triplée, ce qui nous donne de la sérénité pour travailler même si nous y perdons légèrement en indépendance.
Une relation de confiance forte avec le Président Herbeuval me permet de refaçonner l’outil dans le sens, en tout cas je le pense, d’une plus grande capacité à « coller » aux problématiques du territoire et à devenir l’espace de dialogue partenarial incontournable dans l’arrondissement.
L’Agence déménage au rez-de-chaussée de la place du Pavillon au moment de la création de l’AMVS qui occupe les étages, et devient l’ADUS, Agence de Développement et d’Urbanisme, pour mieux signifier la volonté pour l’Agence de participer au développement de son territoire et parce que l’urbanisme n’est qu’une composante du Développement.
L’équipe tente de concilier le développement de l’assistance à maîtrise d’ouvrage (convention avec chaque commune) et de repositionner l’Agence sur des enjeux d’aménagement du Territoire.
Nous publions chaque trimestre le journal « Trait d’Union », conçu et rédigé en interne, et qui fait état de nos réflexions et de nos travaux.
L’assistance à maîtrise d’ouvrage est pilotée par notre architecte Nicolas Delbouille, féru de patrimoine et qui défriche quelques sujets comme l’importance des « marquises », ces petits auvents qui surmontent et protègent le seuil de nombreuses maisons (cf « les marquises de la sambre » JM Allain / N Delbouille / juillet 1997)
En 1997, suite à la loi Raffarin sur le commerce, 19 agences, dont la nôtre, sont retenues sur candidature et missionnées par le Ministère du Commerce et de l’Artisanat, pour élaborer à titre expérimental un Schéma de développement Commercial.
Avec Thierry Moreau, brillant stagiaire de l’EDHEC, nous élaborons ce document qui fait ressortir, malgré une sous - représentation de supermarchés de grande taille (entre 1000 et 2500 m2), une densité relativement élevée des grandes surfaces commerciales dans la Sambre (hypermarchés, supermarchés dont l’offre en alimentaire se révèle excédentaire au regard de la demande et magasins spécialisés en matériel de bricolage et jardinage) et une sous -représentation de certains types de magasins spécialisés.
L’analyse de la ville centre souligne l’absence de commerces de proximité sur le quartier de Montplaisir et la faiblesse du sud de la ville, ultérieurement compensée par l’implantation du complexe cinématographique.
Puis, la rédaction d’un volumineux Diagnostic Territorial constitue une base de travail pour l’élaboration, à la demande de l’intercommunalité et avec l’appui de son Directeur Général, Jean-Luc BONNECHERE, du Projet de Territoire de l’agglomération.
La naissance du Pays Sambre-Avesnois
L’organisation par l’Agence d’un colloque à la Luna sur les réseaux de ville et les dynamiques des territoires, en présence de Michel DELEBARRE, conforte la légitimité de l’Agence à dépasser le cadre de son strict périmètre.
Attentif à la préparation de la loi Voynet et aux conseils je demande au Président Herbeuval, qui accepte, l’autorisation d’engager une démarche d’élaboration de Pays du Hainaut-Cambrésis.
Les contacts s’engagent entre les techniciens des trois arrondissements. Puis, en accord avec le sous-préfet M FAURE, nous convions les élus de l’arrondissement (présidents des EPCI, parlementaires et maires des principales villes) à une réunion de présentation sur terrain « neutre », au golf de Mormal.
La réunion « historique » a lieu le 19 mai 1999.
Elle réunit, autour du sous-préfet les élus suivants : Jean-Yves Herbeuval, Paul Raoult, Alain Poyart, Bernard Baudoux, Joël Wilmotte, Pierre Herbet, Michel Copros, Adolphe Lemaire,Marcel Dehoux, Damien Ducanchez, Philippe Brasselet, Anne-Marie Stievenard, Christian Decavel, Gérard Pireaux (qui représente Christine Marin).
Plusieurs techniciens sont également présents à côté de moi : Jean-louis Thomas, directeur du PNR, Jean-Luc Bonnechère, DGS de l’agglomération, Jacqueline Lesot pour la CCSA et Sylvie Rezette d’Intersud (Belgique).
Oubliant les ancestrales rivalités, ils sont attentifs et intéressés au projet, un projet qui, souligne le sénateur Paul RAOULT, Président du Parc Naturel Régional, doit rester à l’intérieur des limites de l’Avesnois.
La suspicion à l’égard du valenciennois et en particulier de JL Borloo est manifestement la cause première de cette frilosité. Il est vrai que la disparition des Contrats de Développement Ruraux ne laisse aux communautés de communes rurales qu’une seule possibilité pour accéder aux financements du CPER : le Pays.
La proposition de l’Agence tombe donc à pic au point que même la CCSA, qui n’a pas la taille suffisante pour signer un contrat d’agglomération, sera signataire du protocole d’accord, un protocole signé en présence du Préfet et des Présidents de la Région et du Département et qualifié d’historique par la presse régionale.
On peut s’interroger sur notre détermination à faire émerger un Pays alors que la Sambre, pour financer ses projets, n’en a pas besoin puisqu’elle dispose d’un Contrat d’Agglomération.
En fait, après une série de contacts avec les techniciens du Conseil Régional qui souhaitaient voir émerger des interlocuteurs à un niveau infra-régional et après deux décennies d’investissement sur le fond de vallée, le Pays apparaissait comme une opportunité pour prendre un peu de recul et nouer des liens avec les territoires voisins dans la perspective notamment de pouvoir mobiliser un réseau d’élus pour faire contrepoids, dans les négociations, aux autres arrondissements.
Quant à l’Etat, son soutien actif au projet de Pays n’était pas étranger au fait qu’il épouse un périmètre administratif, celui de l’arrondissement, et qu’il est finalement une alternative toute trouvée à la faiblesse des moyens humains sur lesquels peut s’appuyer le sous-préfet.
Malgré les contacts prometteurs établis avec le Cambrésis et le Valenciennois, ma tentative pour créer un Pays à l’échelle du Hainaut (« le Grand Sud ») s’est donc heurté au refus d’une partie des élus de l’avesnois que l’Agence, avec le soutien du sous-préfet, parvient toutefois à rassembler à l’échelle de l’arrondissement dans le cadre d’une Conférence Permanente, officialisée le 28 mai 1999 par la venue du Préfet M.Alain Ohrel, de Bernard Derosier, Président du Département et de Jean-François Caron, représentant Michel Delebarre, Président de la Région.
Lionel Maréchal, pour la Voix du Nord, commente le lendemain : « dire que les quelques 250 000 habitants de l’arrondissement d’Avesnes-sur-Helpe attendaient cela depuis trente ans ne serait pas exagéré.. »
Quant à Jean-Claude Branquart, d’Autrement dit, il écrit : « il suffit d’observer la complexité de la carte des structures intercommunales pour mesurer combien cette union relève quasiment du miracle dans ce repaire d’irréductibles nerviens ».
La décision du ministère de l’Equipement de m’octroyer deux ans plus tard la médaille de Chevalier dans l’Ordre National du Mérite n’est pas étrangère, j’imagine, à cet épisode.
En octobre 1999, j’explique notre démarche au « grand public » (conférence au Lion’s Club International) et rédige le projet de Charte de Pays, document d’une centaine de pages qui fait la synthèse des réunions de concertation entre les techniciens et dans lequel apparaît pour la première fois formulée la problématique du TER-GV entre la métropole et l’avesnois,
La Conférence a le mérite d’être une émanation volontaire du territoire et de vouloir traiter à la bonne échelle les questions qui relèvent d’un enjeu d’arrondissement tout en se proposant d’assurer une articulation entre les projets locaux du territoire en vue de susciter les complémentarités et les synergies nécessaires.
Elle permettra aussi de mobiliser rapidement les élus pour obtenir les crédits que le territoire n’aurait pas obtenus (travaux RN2, Grand Projet de Ville).
L’Agence passe le relais de l’animation de cette Conférence à une chargée de mission détachée du Conseil Général, Elisabeth GRUSON qui, contre attente, après accord entre M HERBEUVAL et RAOULT, sera basée au PNR.
Ce choix était paradoxal dans la mesure où nous avions mené de bout en bout la démarche après en avoir pris l’initiative.
Il affaiblira bien entendu l’Agence d’Urbanisme, déjà affaibli par la création du GIP qui lui a ôté une partie de ses missions.
Durant la même année 1999,
- L’ORAH (Observatoire Régional de l’Aménagement et de l’Habitat) me demande d’évaluer la politique friches dans la vallée de la sambre.
Recrutée pour cette mission, la psycho-sociologue Bénédicte TILLARD m’aide à réaliser ce travail qui fait ressortir la nécessité pour le territoire :
- de se doter d’un schéma directeur de reconquête des friches,
- de distinguer les friches d’enjeu communal et celles d’enjeu intercommunal,
- de gérer la friche durant la période de désaffectation
- et d’apprécier les incidences paysagères et sociales de leur réinvestissement.
Au même moment, je présente la situation sanitaire du territoire à la Conférence Locale de santé
et j’accueille des étudiants de l’école d’architecture de Paris - La Villette, en voyage d’étude sur la requalification des espaces désindustrialisés.
Le dossier de l’Epinette
A la demande de l’Etat, l’Agence (Nicolas Delbouille et moi-même) sommes chargés en 1999 d’élaborer l’étude préalable à la démolition du Vilvoorde.
L’existence de cette étude permettra à Maubeuge d’être l’une des premières villes de France à déposer un dossier ANRU en 2001.
Le Projet d’agglomération
En 2000,avec Jean-Luc Bonnechère, le directeur de la Communauté d’Agglomération, nous nous attelons à écrire le projet d’agglomération avec un fil conducteur « l’excellence territoriale », deux principes stratégiques (développement durable et exigence de qualité) et six axes de travail (accès à la connaissance et culture de l’initiative – territoire équilibré et solidaire – atouts et potentialités à exploiter – respect des ressources environnementales et du cadre de vue – ouverture sur l’extérieur – développement de la responsabilité citoyenne).
Ce travail sera le socle du contrat d’agglomération pour la période 2004-2006.
La même année, je pars une semaine à Casablanca pour une mission d’enseignement au Centre de Formation Administrative des Secrétaires Généraux de communes, mission financée par le ministère de l’Intérieur.
Plusieurs travaux de l’Observatoire mettent l’accent sur le déficit en emplois publics dans l’arrondissement ou les comportements de fuite à l’égard de certains services publics (enseignement, santé…).
En matière d’ingénierie foncière, je rédige une note pour une stratégie foncière du Val de Sambre, base de travail de la première convention cadre avec l’Etablissement public Foncier et qui cible les sites complexes et stratégiques (fonds de vallée de la Sambre et de la Solre), qui doivent faire l’objet d’une maîtrise foncière publique.
Parallèlement, nous développons un partenariat avec la Belgique et recevons, avec l’association Espace Environnement de Charleroi, des crédits INTERREG pour le projet que je baptise « BEAUREGARD », démarche d’approfondissement des connaissances sur les caractéristiques transfrontalières du patrimoine bâti.
Cette période est également marquée par l’introduction du Système d’Information Géographique au sein de l’ADUS ainsi que par la création d’un logiciel (que j’ai intitulé« géocodex ») conçu pour géolocaliser des fichiers d’adresses à partir d’Excel.