La SALMAGNE, du risque au doute
Suite à l’appel à projets « 50 nouveaux sites clés en mains France 2030 » lancé par l’Agence Nationale de Cohésion des Territoires dans le cadre du programme national « territoires d’industrie », et destiné à labelliser des sites à vocation industrielle, le Président de l’Agglomération a déposé un dossier proposant de transformer l’aérodrome de la Salmagne en zone d’accueil de "giga-factories".
Cette idée, parfaitement discutable sur le fond, oppose :
-d’un côté des élus voulant aménager une méga zone industrielle pour créer de l’emploi,
-De l’autre, des usagers qui souhaitent garder un équipement emblématique du Val de Sambre.
Si d’un côté l’argument emploi pèse lourd, il y a lieu de considérer toutefois qu’il s’agit d’objectifs actuellement non étayés par un quelconque engagement écrit de qui que ce soit, au point que le chiffre de 3000 emplois ressemble davantage à un indigne chantage des spécialistes de l’esbroufe.
Mais admettons que l’on puisse réaliser un aménagement avec l’objectif d’y amener de l’emploi au même titre que lorsqu’on aménage des terrains pour les vendre en prenant les risques de ne pas les vendre ou de ne pas les vendre tous.
C’est la notion de risque, et notamment de risque supportable au regard d’un certain nombre de critères, internes et externes, qui est au cœur du débat.
Les risques internes sont propres à la Communauté d’Agglomération et concernent essentiellement le risque financier réel d’un aménagement très lourd financièrement qui, d’une part, verra son coût augmenter par la destruction de biens financés par l’agglomération (exemple des 300 000 € dépensés pour la station service) et d’autre part pourrait ne pas se traduire par une commercialisation de tous les terrains ou par une commercialisation qui dépasserait les délais prévus.
Les risques externes sont autres et ne peuvent être évacués d’un revers de main.
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Le risque environnemental lié à l’eau
La Salmagne, c’est 83 hectares dont 12 % seulement artificialisés, le reste se composant de terres herbagères dont beaucoup sont humides et en connexion directe avec la nappe d’eau potable qui alimente le captage de Vieux-Reng, qui supporterait difficilement une bétonisation d’une telle ampleur.
- Le risque d’enrayer une dynamique émergente de développement économique
L’aérodrome joue déjà un rôle économique de premier plan : 2 importateurs d’ULM qui souhaitent développer l’activité de montage sur place + accueil des avions privés en urgence ou d’hélicoptères pour approvisionner les entreprises en pièces détachées stratégiques (cf Renault MCA récemment).
S’ajoute à cette fonction économique, le rôle de formation professionnelle que propose sur le site des opérateurs habilités par l’Education Nationale.
Et si ce débat servait finalement à mettre en exergue la vraie problématique du foncier industriel de l’agglomération ?
Celle-ci dispose de 160 hectares de friches dont des terrains déjà requalifiés comme les 21 hectares du terrain de l'Espérance à Louvroil, pouvant accueillir une ou plusieurs entreprises.
" Pas viabilisés ! " s'époumone Jean Meurant, oubliant qu'une bonne partie de ces friches, situées en zone urbaine, sont rapidement "viabilisables", eu égard à la La Salmagne où il faudrait tout amener et pour un coût faramineux.
« Pas assez d’hectares d’un seul tenant ! » renchérit Bernard Baudoux qui se cramponne à son logiciel fantasmatique et périmé des "giga-factories".
"Ce sont des terrains privés ! " rajoute t-il, faisant fi qu'une parcelle en zone industrielle, fut- elle privée, n'interdit nullement d'examiner ses potentialités et, si l'intérêt général le justifie, de l'intégrer dans le foncier public. L'inventaire des ZAE de l'Agglomération contient lui-même des terrains privés !
Logique puisqu'une parcelle privée classée en "UE" (industrielle) est plus propice au développement industriel que les parcelles publiques, comme la Salmagne, principalement classées en zones agricoles.
Soyons pragmatiques et voyons ce que nos amis belges font de la friche de l’ancien site de Katterpilar à Gosselies près de Charleroi dont les 95 hectares seront finalement répartis en trois projets : Biopark, zone industrielle, zone de loisirs.
Et requalifions, dans cet esprit, nos 160 hectares pour développer un maillage équilibré de ZAE sur le territoire, bien plus intéressant au passage pour les déplacements domicile travail et les commerces de nos communes.
Et confortons l’aérodrome de la Salmagne comme un équipement public aux fonctions diverses qu’il convient de développer :
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Comme le transport d’affaires (vols privés pour les entreprises) et de loisirs (baptêmes de l’air)
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Comme un site de développement de PME liées à l’aéronautique et donc plein de potentialités en terme d’emplois de toutes sortes
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Comme une pépinière de formation aux métiers de l’aéronautique avec la création d’un établissement labellisé
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Comme un lieu de découverte culturelle et ludique mettant en valeur l’histoire de l’aéronautique avec la mongolfier du capitaine Coutelle, partie de Maubeuge et qui joua un rôle décisif lors de la bataille de Fleurus en 1794, sans oublier celle des dirigeables avec l’aérostation de Maubeuge avant la première guerre mondiale.
Sur un sujet aussi important, on peut regretter que Bernard BAUDOUX ait saboté le débat démocratique en organisant plusieurs coups de force.
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Le premier, c’est d’avoir déposé le dossier de candidature de l’aérodrome Salmagne et lancer des études derrière le dos des élus du Conseil Communautaire.
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Le second, c’est d’avoir présenté l’aérodrome en tant que friche, enterrant la Salmagne avant d’avoir eu une décision collective sur son devenir.
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Le troisième coup de force, c’est que les sites sélectionnés doivent être « clefs en mains » alors que la Salmagne est une zone non viabilisée.
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Le quatrième coup de force, c’est de clamer qu’il va créer des milliers d’emplois sans avoir le moindre engagement de qui que ce soit.
On peut aussi regretter qu’il soit resté insensible aux personnes qui sont attachées à la Salmagne, soit parce qu’elles en vivent, soit parce qu’elles l’utilisent ou tout simplement parce que cet équipement fait partie de leur histoire personnelle au même titre qu’il est partie intégrante de l’identité de ce territoire.
« Arrachez moi le cœur, vous y verrez Paris » disait Aragon.
« Arrachez nous le cœur, vous y verrez la Sambre, le Parc zoologique dans les remparts de Vauban, la florentine aulnésienne incarnant la tradition cheminote, la rivière insolite chère à Stevenson, la ceinture militaire des forts Séré de rivière et l’aérodrome de la Salmagne », car ce sont des équipements phares dont la particularité exceptionnelle en font les richesses, la singularité et la fierté de l’agglomération.
Comment ne pas s’étonner qu’un projet aussi important n’ait pas été soumis pour avis au Conseil de Développement ?
Comment ne pas s’étonner qu’un projet aussi important ne fasse pas l’objet par l’agglomération d’une consultation citoyenne, n’en déplaise à ceux qui s’offusquent d’une démarche « populiste », lui préférant sans doute le diktat autoritaire de l’élite qui croit savoir.
Quant à ma proposition d'organiser en février une séance du conseil municipal en donnant la parole aux deux protagonistes (CAMVS et ADDAS), le président de la CAMVS a répondu hier soir : " pas maintenant, lorsque les études environnementales et archéologiques seront terminées, nous verrons".
Mais quid d'une étude en amont sur le modèle de développement industriel que nous souhaitons (concentré sur 2 ou 3 méga zones ou maillé sur tout le territoire ?), au risque de déshabiller Pierre pour habiller Paul comme cela a été fait avec le développement commercial et dont le territoire paie aujourd'hui un prix très lourd.
Aucun élu du Conseil Communautaire n’a reçu mandat de sa population pour décider en son nom et ce serait commettre une grave imposture démocratique d’agir ainsi alors que tant de questions restent posées.
« Le doute, après tout, est un hommage rendu à l’espoir » écrivait Lautréamont.
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