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Le blog de Jean-Marie Allain

LA LUTTE CONTRE LES LOGEMENTS VIDES : un exemple, parmi d’autres,  de la dépossession  des communes de leur pouvoir d’agir.

1 Avril 2023 , Rédigé par Jean-Marie Allain

Les invitations plus ou moins coercitives des  pouvoirs publics à limiter l’étalement urbain, si elles peuvent se comprendre à l’aune du réchauffement climatique et de la nécessaire protection de la bio-diversité, impose aux communes de recentrer leur développement sur le tissu urbain , notamment la reconversion des friches, qu’elles soient industrielles, agricoles ou constituées d’un habitat vacant chronique et dégradé.

C’est ce dernier point que je souhaite aborder ici dans la mesure où les outils dont disposent les commune s’avèrent insuffisants ou en contradiction avec la finalité du renouvellement urbain.

Ainsi en va-t-il de la Taxe d’Habitation sur les Logements Vacants (THLV).

A l’heure où les pouvoirs publics se gargarisent de la lutte contre l’artificialisation des sols, cette taxe, relativement facile à décréter puisqu’une simple délibération suffit, revêt la plus grande importance  puisqu’elle vise à inciter les propriétaires de logements vides à mettre leur logement sur le marché.

La Taxe d'Habitation sur les Logements Vacants (THLV) a été instaurée en France en 2006 par la loi portant engagement national pour le logement  et appliquée pour la première fois en 2007.

Elle est codifiée à l'article 1407 bis du Code Général des Impôts :

Les communes peuvent « assujettir à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale, pour la part communale et celle revenant aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre, les logements vacants depuis plus de deux années au 1er janvier de l'année d'imposition ».

Malheureusement, le Ministère des finances ne semble pas encore en avoir pris conscience de son intérêt puisqu’il  la relègue à une place mineure dans ses textes, à commencer par le Code des Impôts et son article fondateur.

Il eût été tellement plus simple d’écrire que les communes  peuvent « assujettir à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale, les logements vacants depuis plus de deux années au 1er janvier de l'année d'imposition,  pour la part communale et celle revenant aux établissements publics de coopération intercommunale sans fiscalité propre».

Cette petite anomalie, on va le voir, provoque un effet en cascades grave  puisqu’elle aboutit à ce que la taxe soit carrément réduite à un sous-entendu, c’est-à-dire non mentionnée  dans d’autre articles du même code.

Ainsi, l’ article 1636 B sexies I, relatif aux liens entre les taux est révélateur.

« Les conseils municipaux et les instances délibérantes des organismes de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité propre votent chaque année les taux des taxes foncières, de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale et de la cotisation foncière des entreprises ».

La Taxe d’Habitation sur les Logements Vacants est passée aux oubliettes alors qu’elle est bel et bien concernée par cet article.

Et cet oubli se reproduit ensuite dans les messages émanant du Ministère des Finances et envoyés aux Préfectures qui ventilent vers les sous-préfectures, lesquelles transmettent enfin aux communes.

A titre d’exemple, ce texte reçu le 24 mars de la Préfecture du Nord, via la sous-préfecture : « A compter de 2023, la taxe d’habitation est renommée « taxe d’habitation des résidences secondaires et autres locaux vacants meublés et non affectés à l’habitation principale », demandant aux communes de ne pas oublier de voter le taux de THRS… mais pas celui de la THLV là où celle-ci a été instaurée !

Une telle omission, ajoutée l’article 1636 B sexies I, a amené un certain nombre de communes ayant instauré la THLV à majorer celle-ci, parfois fortement dans le cadre de la lutte contre la vacance. Or, une telle majoration n’est en réalité pas possible dans la mesure où la règle du lien entre les taux, fixée par l’article 1636, limite cette possibilité bien que, étonnamment, il n’y soit pas question des logements vacants mais bien des « résidences secondaires et autres locaux vacants meublés et non affectés à l’habitation principale ». 

On voit qu’une imperfection sur une simple formulation peut avoir des conséquences fâcheuses.
Mais la forme, comme toujours, nous parle aussi du fond.

En effet, non seulement la règle du lien entre les taux (art 1636 B) oblige la commune qui a mis en place cette taxe et qui souhaiterait l’augmenter, à le faire dans la même proportion que la part communale du foncier bâti et du foncier non bâti, mais a contrario, lorsqu’une commune a fait le choix de baisser le foncier bâti, elle est tenue de baisser dans les mêmes proportions la taxe sur les logements vacants !

Cette règle du lien entre les taux n’a, dans ce cas de figure précis, aucun fondement particulier et se révèle contraire aux finalités des politiques publiques.

La lutte contre l’artificialisation n’a de chances de progresser que si l’on donne aux communes les outils d’intervention à la hauteur des enjeux.

La THLV est l’un de ces outils mais qui demande en ce sens à évoluer.
L’un des premières mesures consisterait à ce que l’article 1636 B sexies du Code des Impôts distingue clairement la THRS et la THLV et rende possible la dérogation à la règle du lien entre les taux pour cette dernière.

Une autre avancée pourrait consister à ce que les logements classés insalubres ne soient pas exonérés comme actuellement de la THLV car une telle exonération pénalise les communes dans la lutte contre l’insalubrité dans la mesure où elles se retrouvent, après relogement des familles, avec de nouveaux logements vides.

En l’état actuel des choses, et après la suppression de la Taxe d’Habitation, les élus ont le sentiment d’être une nouvelle fois dépossédés de la maîtrise de ces enjeux pour reprendre le concept du géographe Christophe Guilluy et comme lui, nous en appelons au pragmatisme dans le seul but de servir les intérêts de la population et des territoires qu’elle habite.

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