Quand les déchets enflamment la vallée
La petite note qui accompagne l'invitation à la prochaine réunion "pédagogique", en présence de Mme la sous-préfète, du député et du directeur de la Préfecture annonce l'ambiance : « l’expéditeur n’autorise pas le destinataire à communiquer, diffuser, dupliquer, transférer cette invitation à d’autres personnes physiques ou morales. Toute violation fera l’objet de poursuites ».
Voilà un préambule aux accents comminatoires, voire menaçants qui peut intimider certains mais qui traduit surtout une réelle fébrilité
Pour ma part, j’envoie chaque dimanche soir à mes collègues du conseil mon agenda de la semaine. C’est un choix de transparence depuis 22 ans. S’ils n’ont pas reçu l'invitation, ils savent par conséquent à chaque heure où je suis, avec qui et pourquoi.
L’ordre du jour, je le concède, laisse néanmoins transparaître une volonté de pédagogie. Tant mieux et si on peut faire de la pédagogie dans les deux sens et de surcroît dans la transparence, c’est encore mieux.
Ce que demandent en effet une partie d’entre nous, c’est de discuter (et non pas d’avaliser) des tableaux comparatifs,
Tableaux comparatifs des coûts , car nous disposons des éléments qui nous permettent de penser que la facture du tri sera plus chère au Siaved, en raison notamment des coûts de dépollution mais aussi parce que son concurrent RDV est un centre multi-filières qui mutualise des services (formation, DRH, comptabilité, bureau d’études….) pour diminuer les coûts, ce que ne pourra pas faire le Siaved.
Pour calculer le montant annuel du tri chez RDV, l’Agglo a pris le coût de tri en ECT de 383 € HT/tonne sortante et l’a multiplié par le tonnage entrant de matériaux recyclables hors verre.
La CAMVS, sur cette base, présente un coût de tri pour RDV de 2 517 459 € HT / an.
Or, contractuellement, le prix de 383 € HT/tonne doit s’appliquer aux matériaux recyclables triés (donc sortants du centre de tri) et hors refus.
Le tonnage à considérer n’est donc pas de 6573 tonnes mais de 4180 tonnes / an. Le prix de tri chez RDV, avec un calcul juste, serait en réalité de 1 600 940 € HT/an, soit 916 519 € de moins !!!
Cette erreur présente RDV comme plus cher que le SIAVED alors que, ramené à l’habitant, le coût de tri chez RDV serait de 6.39 € HT/an alors qu’il serait dans le meilleur des cas au Siaved , de 11.67 € HT/habitant.
Annuellement, le tri chez RDV serait donc moins cher de 663 171 € HT, voire 750 609 € dans le meilleur des cas !
Par ailleurs, il n’est pas question dans ce tableau du quai de déchargement à 6 500 000 €, ce à quoi il faudra ajouter les frais de maintenance et de gardiennage alors qu’avec le scénario RDV, les camions de collecte continueraient de vider les recyclables directement au centre de tri de RDV.
Tout cela, sans compter les coûts de travaux pour dépolluer le site de Douchy qui se répercuteront sur la facture du tri.
Tableaux comparatifs sur le plan social, prenant en compte l’impact sur les sous - traitants car il sera réel, contrairement à ce qui a été dit à la précédente réunion. Je peux vous donner un exemple : Une PME de 20 personnes : 7 des 20 salariés travaillent pour le centre de tri. Comme c’est le secteur le plus rentable de l’entreprise (marché permanent), si le Centre de tri ferme, c’est l’entreprise qui ferme… sachant qu’elle-aussi fait travailler des sous-traitants. Si on extrapole, cela représente plus de 2 00 emplois sur l’avesnois.
Tableaux comparatifs sur le plan environnemental, et notamment le bilan carbone, la pollution du site de Douchy, mais aussi sur l’intérêt de préférer, pour des raisons de sécurité, un centre de tri par arrondissement plutôt qu’un seul Mégacentre. Tout simplement parce qu’un centre est toujours très exposé aux incendies (explosion piles lithium/ Fermeture centre de tri Etang de Berre en janvier 2022 et de celui de Charleville en juillet 2022) et qu’en pareil cas, il n’est pas inutile d’avoir un centre proche pour pouvoir se dépanner.
Rien n’est plus sain, voyez - vous, que le questionnement dans une démocratie.
C’est pourquoi, quand on entend dire par les élus défenseurs du projet Siaved qu’ils ne sont « ni corruptibles , ni achetables », on blesse profondément et injustement celles et ceux des collègues qui pensent différemment et qui seraient eux corruptibles et achetables !
A ce jour, nous cherchons les arguments crédibles en faveur du Siaved et n’en trouvons aucun : extinction du label Citéo fin décembre 2022, éloignement de la gouvernance, illisibilité tarifaire, désavantage financier, désavantage environnemental, désavantage social : la grille du développement durable est implacable, sans compter que le Siaved, dans le cadre de son marché avec le groupe SUEZ ne peut trier les déchets recyclables collectés sur l’avesnois, sauf à ignorer le cahier des charges initial, contourner la mise en concurrence et les règles de la commande publique.
Les avocats du Siaved (selon le Pt Lemoine) : « normalement, çà passe ».Une façon d’exprimer une certaine incertitude et de dire plus exactement« çà passe ou çà casse ».
Permettez - moi d’être perplexe devant une telle réponse.
Il aurait été plus logique et plus simple de nous donner au fil des mois tous les éléments de cette mosaïque afin de travailler plus en amont à des scénarios alternatifs.
Ainsi, la CAMVS peut avec le SMIAA créer les conditions pour organiser une consultation en vue d’effectuer le tri en ECT des déchets recyclables collectés à l’échelle de l’arrondissement.
En d’autres termes, plutôt que de dissoudre le SMIAA, il convient de lui restituer le solde de notre compétence « Tri » afin qu’il puisse lancer un appel d’offres, éventuellement associé avec ECOVALOR (Valenciennes Métropole et Pays Solesmois) Ecovalor qui est demandeur, et auxquels les prestataires intéressés pourront répondre.
Je suis persuadé que si les conseillers communautaires décident de maintenir le SMIAA à cette fin, un autre EPCI de l’avesnois fera de même et si deux EPCI décident de maintenir le SMIAA, les deux autres sont condamnés à rester. C’est la loi.
Cette option a le mérite de préserver des emplois, de faire payer le tri moins cher, d’éviter une ineptie environnementale et de garder une gouvernance de proximité et non plus diluée dans une méga structure où les élus de l’avesnois ne pèseront aucunement.
Il y a 20 vingt ans, nous avons repoussé le projet d’ARF, précurseur de l’économie circulaire, projet qui s’est finalement réalisé dans l’Aisne avec une quarantaine d’emplois.
L’histoire repasse souvent les mêmes plats mais ne nous oblige pas à refaire les mêmes erreurs.
Nous ne prétendons pas avoir raison sur tout mais attendons des arguments étayés par des données factuelles et non sur des chiffres erronés ou des menaces à peine voilées de Baudoux-Decagny de chantage à la Teom qui pourraient bien se retourner en boomerang sur le duo de service pour deux raisons.
La première, c’est qu’ils font fi du vote des élus car ce ne sont pas eux qui décideraient mais le conseil communautaire souverain.
La seconde, et parce que le Siaved sera plus cher, si l’Agglo envoie ses déchets à Douchy, les protagonistes du fiasco devront assumer et accepter que l’Agglomération taille dans certaines dépenses comme le fonctionnement du sulfureux PMA, la Kermesse de la bière ou encore mettre en veille l’investissement de la future patinoire de Jeumont.
Personne ne détient la vérité absolue et il est salutaire parfois de laisser tomber ses orgueilleuses certitudes.
« Aussi grands que soient les rois / Ils sont ce que nous sommes / Et peuvent se tromper/ comme les autres hommes » disait notre grand Corneille.
La démocratie intercommunale, c’est lorsque les élus votent en toute connaissance de cause et pas comme des bancs de poissons.
C’est la divergence qui est fondatrice de la vie, pas le vote au forceps.
Que le débat s’installe enfin, avec franchise et honnêteté.
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