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Le blog de Jean-Marie Allain

LA LUTTE CONTRE L’ARTIFICIALISATION DES SOLS

8 Février 2021 , Rédigé par Jean-Marie Allain

Les débats préalables à l’élaboration du projet de loi sur le climat s’instaurent ici et là.
La lutte contre l’artificialisation figure en bonne place dans ces débats et recevant ce lundi M.Etienne Monin, journaliste de France-infos pour un entretien sur le sujet : 
https://www.francetvinfo.fr/monde/environnement/convention-citoyenne-sur-le-climat/climat-a-marpent-d-anciennes-friches-industrielles-sont-requalifiees-en-logements_4291105.html

Je vous communique la trame de mon propos.

LE SOUCI DE PRESERVER LES ESPACES NON BATIS N’EST PAS RECENT, MEME SI LA PROTECTION DE LA BIO-DIVERSITE N’EN ETAIT PAS LE FONDEMENT

On le retrouve déjà dans les documents d’urbanisme de la fin des années soixante. Ce sont les objectifs qui ont changé

Le pays est alors en pleine croissance et le désir des français de réaliser le rêve de la maison à la campagne se traduit par une explosion de l’habitat pavillonnaire qui inquiète d’autant plus les services de l’Etat qu’ils se sont dessaisis, avec la Loi d’Orientation Foncière de 1967, de l’élaboration des documents de planification urbaine comme le Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme (à l’échelle de l’agglomération) et les Plans d’Occupation des Sols (à l’échelle de la commune).

Les agglomérations vont donc se doter progressivement d’outils techniques au travers des agences d’urbanisme sauf que celles-ci, financées par la collectivité, ne décident rien mais mettent en oeuvre les décisions politiques locales, des décisions souvent en phase avec le désir des habitants que l’on souhaite fixer sur le territoire.

Le risque de l’étalement pavillonnaire est réel et deviendra réalité, malgré les recommandations obsessionnelles de l’Etat qui sensibilise sur les risques induits par ce que l’on appelle alors « le mitage ».

Mais les communes dotées d’une grande superficie et proches de la ville-centre ne résistent pas à la tentation et classent en zones constructibles toutes les parcelles le long des voies.

Je me souviens avoir mené une réflexion prospective pour le compte de l’Etat qui souhaitait mieux appréhender ces incidences : risque de ségrégation spatiale et perturbations du monde agricole (pouvant aller jusqu’à la mort du bétail, empoisonné par le rejet des eaux usées de systèmes de traitement des eaux usées défaillants comme j’ai pu le constater documents du vétérinaire à l’appui).

Tout cela pour dire que les objectifs de protection des espaces naturels à la fin des années soixante existent mais, en dehors de quelques associations comme la FFSPN (Fédération Française des Sociétés de Protection de la Nature, ancêtre de France Nature Environnement), ces objectifs ne sont pas fondés sur la protection de la bio- diversité ou la réduction des gaz à effet de serre mais sur un souci de rationalité économique (c’est par exemple le coût de transport généré par l’étalement urbain qui est visé et en rien la pollution ou les gaz à effet de serre) et un souci de rationalité paysagère (un modèle de la forme urbaine bien ordonnée, non anarchique) mais en aucun cas pour limiter l’artificialisation et préserver la bio- diversité.

CRISE ECONOMIQUE, SOCIALE ET ENVIRONNEMENTALE

La donne va changer au cours des trois décennies qui vont suivre.

D’abord, la crise du pétrole entraîne dan son sillage la crise sidérurgique, puis l’effondrement de pans entiers de notre tissu industriel.
Les communes qui seront touchées par le chômage massif voient s’effondrer leur démographie, surgir les friches industrielles et la précarité sociale et leurs finances plonger dans le rouge.

Ensuite, dans les banlieues, les premières  explosions sociales viennent confirmer de manière brutale que la ville étalée est une ville ségrégée.

Enfin, avec la montée en puissance de la problématique environnementale, la bio-diversité et le réchauffement climatique occupent des places de plus en plus importantes.

Ainsi mis bout à bout, les problèmes de l’emploi, du malaise social et de la préoccupation écologique vont forger l’ossature d’un nouveau concept, celui du développement durable (conciliant ces trois aspects , économique, social et environnemental) qui deviendra pour les uns comme le concept rédempteur d’un mode de croissance qui tient à se pérenniser à se moralisant et pour les autres un mode de développement alternatif reposant sur une croissance décarbonnée. voire pour quelques-uns la décroissance.

DU DEVELOPPEMENT DURABLE CHOISI AU DEVELOPPEMENT DURABLE CONTRAINT

Après les élections municipales de 2001, des maires tentent de traduire ces nouveaux enjeux dans leur document d’urbanisme.

Ils élaborent ou révisent leur Plan d’Occupation des Sols  en réduisant de manière drastique la surface des  fameuses zones à urbaniser.

Leur motivation principale, c’est la protection des espaces naturels pour préserver la bio-diversité mais aussi la protection des exploitations agricoles et la rationalité économique vu sous l’angle du coût des réseaux certes mais aussi de la pollution.

Cette réduction des surfaces des zones à urbaniser crée parfois de l’amertume auprès de certains propriétaires, mais ces élus font le pari qu’il est possible de maintenir un dynamisme démographique sans faire de l’étalement urbain.

Leur marge de manoeuvre est d’autant plus étroite que leur commune est d’une faible superficie, qu’elle compte plusieurs exploitations agricoles ou qu’une partie de la surface est classée en zone inondable.

Mais le choix politique qu’ils ont fait ne va pas tarder à être imposé.

Dans la foulée de la loi SRU (décembre 2000) et de la loi ALUR (2014), la lutte contre l’artificialisation  n’est plus un choix mais devient la ligne  de conduite imposée aux communes  avec les orientations du SCOT (Schéma de COhérence Territoriale) et le zonage imposé par un PLU devenu intercommunal, et qui définit également une densité de logements, notamment dans les zones d’Opérations d’Aménagement Programmé.

Les propriétaires, à leur niveau, se voient fixer pour leur parcelle un coefficient maximal d’artificialisation.

DES NOUVELLES CONTRAINTES MAIS SANS NOUVEAUX OUTILS

La ligne de démarcation réduisant les capacités de construction  (parfois de manière redoutable), la stratégie des communes va reposer sur un triptyque : le recyclage foncier (suite la résorption d’une friche industrielle ou d’une friche habitat), le comblement des interstices  (qui consiste à implanter des logements sur des parcelles encore libres dans le tissu urbain) et la lutte contre la vacance.

Mais toutes ces actions passent par un préalable qui est rarement au rendez-vous : la mise sur le marché du foncier ou de l’habitat vacant. Or, malheureusement, les outils pour (re)mettre ces biens sur le marché sont désormais souvent obsolètes.

-la taxe sur le foncier non bâti (loi Gayssot-Besson), séduisante sur le papier, a la brutalité d’un bazooka pour exterminer les mouches puisqu’elle consiste à taxer sans discernement l’intégralité des parcelles constructibles  alors qu’elle ne devrait viser que les parcelles en déshérence ou stratégiquement prioritaires.

-la taxe d’habitation sur les logements vacants n’est pas assez incitative et devrait être progressive et sans dérogation (des propriétaires obtiennent des exonérations des services fiscaux sous prétexte que le logement n’est pas louable en l’état).

- la procédure d’abandon manifeste qui permet d’exproprier (trois ans de procédure) n’est pas possible si le logement, bien que vide depuis vingt ans, ne présente pas de signe extérieur de dégradation.

- le bail à réhabilitation, qui permet de prendre un logement vide pour le réhabiliter et le louer avant de le restituer au propriétaire, suppose d’avoir des opérateurs qualifiés sur le terrain mais ceux-ci sont rarissimes.

- la procédure des biens en déshérence (si absence d’héritiers connus) est extrêmement longue  (une dizaine d’années).

Bref, une fois le bien mis sur le marché, nous sommes au milieu du gué puisque les contraintes de densité peuvent s’avérer dissuasives et inciter le candidat à se replier sur une commune où la densité imposée est moindre.

Ceci a pour effet de recréer de la ségrégation socio-spatiale sans oublier  l’effet collatéral inflationniste puisque la règle de densité transforme les terrains déjà construits sur une grande parcelle en véritable rente !

Il sera donc de plus en plus compliqué pour les communes de se développer, d’autant plus que les constructions neuves ne sont pas synonymes de croissance démographique : elles suffisent parfois à satisfaire à peine les besoins en logements résultant des divorces. Or, un ménage qui se sépare, c’est le besoin d’un logement supplémentaire, cela ne fait pas monter la courbe démographique.

La lutte louable contre l’artificialisation des sols pourrait bien, si le législateur renonce à adapter les outils, se retourner contre ses objectifs et devenir une arme de la décroissance démographique et de la ségrégation socio-spatiale.

 

 

                                

 

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