Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Jean-Marie Allain

LE CANAL SEINE NORD DIVISE LES ECOLOS

15 Août 2015 , Rédigé par Jean-Marie Allain

carte
carte

Pour faciliter le passage des marchandises entre l’Europe du Nord et l’Ile de France, le projet de canal Seine-Nord prévoit la réalisation entre Compiègne et Cambrai d’un canal de 54 mètres de large, profond en moyenne de 4,5 mètres et long de 106 km reliant l’Oise au canal Dunkerque-Escaut, puis au réseau des canaux nord européens.

Pour ses partisans, cette liaison devrait permettre la traversée de barges de grande capacité (jusqu’à 4400 tonnes) et d’une longueur de 185 m (soit l’équivalent de 200 camions de transport).

Elle ferait basculer une partie des marchandises qui encombrent aujourd’hui l’autoroute du nord sur un trafic fluvial et aiderait à développer l’économie de la Picardie.

Ce projet coutera 4,5 milliards d’euros, qui seront financés à 60% par l’État et les collectivités locales, et à 40% par l’Union Européenne.

D’emblée, on pouvait penser qu’un tel projet de canal allait recevoir l’approbation des défenseurs de l’environnement, généralement acquis au transport fluvial.

Ce n’est pas si simple. Si Cap 21 Nord Pas-de-Calais et Nord Nature Environnement se sont déclarés en faveur du projet, considéré comme une alternative à la construction de la A24, les Verts ont exprimé des positions divergentes selon qu’ils soient du Nord Pas de Calais (défenseurs du projet) ou qu’ils s’expriment sur plan national (le Comité Fédéral des 5 et 6 avril 2014 livre une condamnation argumentée d’un projet considéré comme pharaonique).

Au-delà des reproches qui relèvent du registre environnemental (critique du gigantisme et de son impact sur la ressource en eau puisqu’il faudra prélever 20 millions de m3 pour le remplir, puis des dizaines de millions de m3 pour l’alimentation continue, et donc son impact aussi sur la bio - diversité des zones humides), c’est avant tout un débat d’aménagement du territoire.

Outre le fait que tout reste basé sur des hypothèses liées au coût du carburant (et à l’écotaxe !), ses détracteurs prédisent plutôt un transfert du rail vers le fluvial et regrettent que le projet ignore le rôle que pourrait jouer la Manche dans le transit des marchandises entre le Nord de l’Europe et le bassin parisien, confortant le rôle des ports de Dunkerque, de Rouen , et surtout du Havre.

Cette critique a trouvé un renfort de poids dans un rapport de l’Inspection Générale des Finances et dans un autre émanant du Comité général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), les deux expertises pointant les rôles respectifs (et alternatifs) qu’auraient pu jouer le fret ferroviaire et le canal du Nord, non saturé actuellement, et le risque que le canal Seine Nord, par son ampleur (40 % du budget transport sur 214-2020) n’engloutisse les investissements nécessaires à la modernisation du réseau fluvial traditionnel et aux transports collectifs quotidiens.

Cette crainte est d’autant plus justifiée que le coût des chantiers connexes tels que la mise au gabarit européen de l’Oise et des canaux du Nord et les aménagements de la Seine amont et aval n’est pas estimé.

Un autre scénario – présenté sur le blog de Jacques Attali - proposait une démarche alternative au projet en construisant une autoroute ferroviaire d’acheminement de fret allant du Havre jusqu’en Europe centrale en passant par Amiens et Chalons en Champagne. Le coût avoisinait les 160 millions d’euros, auquel il faudrait ajouter la poursuite de l’aménagement du port du Havre, ou plutôt du port devenu commun entre le Havre, Rouen et Paris, pour en faire un port de dimension mondiale (mais n’amenant par contre à celui de Dunkerque).

De quoi contrer les arguments de ceux qui placent au premier plan la création d’emplois générés par le chantier, lequel, soit dit au passage, sera de toute façon ouvert aux entreprises européennes. A terme,la flotte fluviale française sera de toute façon dans l’incapacité de rivaliser avec celle des pays du Nord.

Quant à l’aspect environnemental, il n’y a pas photo : ce projet impactait nettement moins l’environnement. L’autre avantage du projet d’autoroute ferroviaire, souligne Jacques Attali, c’était aussi faire du Havre la capitale de la nouvelle région Normandie, pour sortir de la rivalité entre Rouen et Caen.

Le choix qui a été fait de préférer le canal Seine Nord, aux yeux de l’ancien conseiller spécial de François Mitterrand, affaiblira le Havre au bénéfice d’Anvers et de Rotterdam (respectivement 3 et 7 fois plus importants).

En réalité, les écologistes nordistes ont toujours défendu le projet de canal Seine-Nord, rejeté par la majorité de leurs camarades français. Ont-ils manqué de recul dans leur analyse ? Se seraient-ils précipités sans discernement pour soutenir un projet dont l’intérêt pour le Nord ne fait aucun doute mais en oubliant ou en sous-estimant l’intérêt supérieur pour la France et les répercussions environnementales pour les générations futures?

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :